J'ai envie de dire que je m'en doutais. Non seulement Sin Nombre avait été primé à Sundance et à Deauville, mais je voyais bien Cary Joji Fukunaga, réalisateur de True Detective saison 1, frapper fort d'entrée avec ce premier long-métrage. Parce que Fukanagu, à le voir passer comme ça du cinéma à la télévision, il n'a pas l'air d'un auteur obsédé par une vision artistique personnelle et cadenassée, mais quand tu le vois filmer le fameux plan-séquence de l'épisode 4 de la série phénomène made in HBO, tu te dis que lui mettre un sujet fort dans les mains c'est déjà une sacrée garantie. Et là, c'est ce qui se passe. Tout est filmé au poil, dynamique, parfaitement rythmé par une bande-son qui sait ne pas tomber dans le cliché folklorique ou dramatique alors que la pente était glissante. A part deux-trois money shots qui en plus font leur petit effet, Fukanagu ne cède pas non plus trop à un esthétisme m'as-tu vu et respecte la pureté de son récit. Mais ce que j'aime le plus, c'est le travail narratif, la bonne alternance entre les plans immersifs et ces passages où la caméra prend un peu de recul pour laisser tout ça respirer, ne pas s'enfermer sous une chape de pesanteur. Ben oui, au-delà de son aspect documentaire social, Sin Nombre reste avant tout un drame, et il est constamment parcouru de cet élan vital un brin désespéré qui raconte déjà en lui-même la situation de ces immigrés. On appelle ça faire corps avec son récit. Du reste, certes on pourrait chipoter sur quelques points, comme la vraisemblance de l'ensemble qui s'amincit à quelques endroits. Mais je tend plutôt à penser que cette histoire un brin improbable appelle justement à un effort du spectateur, qui, dans un petit acte de Foi, apporte de lui-même la touche d'espoir finale à ce film qui balance constamment entre violence et rédemption, dans une communion avec les personnages pour qui on saisit alors mieux que l'espoir est la seule solution. J'aurais juste adoré un rythme un peu plus contemplatifs, quand je repense à quelques plans qui s'y prêtaient assez bien, mais ces plans larges de décors bruts sont un peu mon péché mignon, et peut-être que ces coupures auraient altéré le rythme d'un récit qui je l'ai déjà dit, se déroule déjà très bien en l'état. Bref, un très, très bon petit film, jamais complaisant, jamais outrancier et quand même vraiment bien filmé.