Lauréat surprise du dernier Oscar du meilleur film étranger au nez et à la barbe des favoris "Entre les Murs" et "Valse avec Bachir", "Departures" manifeste une nouvelle fois la vitalité du cinéma japonais. On peut comprendre ce qui a attiré les membres de l'Academy, à la fois dans l'aspect positif (l'indéniable originalité du sujet, la diversité de tonalité) et dans l'aspect plus discutable (la larmoyance de certaines scènes, le recours aux grosses ficelles de l'émotion).
Apparemment, les thanatopracteurs n'ont pas meilleure réputation au Japon que les croques-morts de chez nous, et quand Daigo se voit engagé après un entretien d'embauche expéditif, il n'a pas le courage de l'annoncer à sa femme. Ses premiers pas dans le métier ne sont pas de tout repos, et le laconisme de son patron ne lui permet pas de se préparer à ses premières épreuves, à savoir un rôle de "figurant" dans une vidéo pédagogique et son baptême du feu avec une vieille dame décédée depuis quinze jours.
Ces débuts nous sont montrés après la scène d'ouverture, un flashforward où l'apprenti Daigo exécute son premier rite sous les yeux de son maître, avant de découvrir l'anatomie particulière de la défunte. Car c'est une particularité intéressante de ce film que de passer si rapidement de l'émotion au rire, et vice-versa, à tel point que dans certaines scènes la moitié de la salle rit alors que l'autre moitié reste troublée.
Progressivement pourtant, on comprend que le sujet principal est celui de l'apprentissage, et de la découverte par Daigo de la noblesse de son nouveau métier. Car cette toilette funéraire qui se fait devant la famille selon un rituel très précis a pour but de rendre sa dignité à la dépouille du défunt, et d'offrir aux proches une dernière image la plus belle possible. Ces gestes ressemblent à ceux que l'on peut prodiguer aux êtres aimés : la caméra filme Mika dans son lit alors que Daigo part au travail de la même façon que les "clients" de son mari, et quand il recouvre son patron endormi sur la banquette de l'agence avec une couverture, on retrouve la délicatesse avec laquelle il exécute ce geste dans le rituel.
La force et l'originalité du film réside essentiellement dans la justesse avec laquelle sont filmées les scènes funéraires, comme quand M. Sasaki, le patron de Daigo, demande au mari de la défunte le rouge à lèvres de son épouse pour l'ultime maquillage, et que c'est la petite fille qui réagit le plus vite, ou encore le décalage entre la codification extrême de la cérémonie et l'explosion de ressentiment auquelle elle peut donner naissance.
Malheureusement, Kundo Koyama, le scénariste, a greffé sur cette trame suffisante en soi l'histoire de Daigo et de son père, et le film n'évite pas le pathos un peu pesant jusqu'à la scène finale bien prévisible où Yojiro Takita nous ressert tout l'arsenal du genre : zoom, ralenti et musique violonneuse. Cet intrigue secondaire dilue et rallonge inutilement un récit qui aurait pu bénéfiquement tenir en 1 h 45, en se contentant de l'histoire des bains publics et de celle de Mika (jouée par Ryoko Hirosue, la fille de Jean Reno dans "Wasabi"). Malgré ces réticences, "Departures" se regarde avec intérêt, grâce à l'originalité de son sujet, et offre une autre approche du deuil dans la société japonaise après "Still walking".
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