Connue pour ses courts métrages et ses vidéos, Valérie Mréjen expose également dans les galeries et musées d'art contemporain. Cette diplômée de l'Ecole d'art de Cergy-Pontoise interroge en particulier le langage, ses multiples facettes et sa vacuité, dans des productions courtes inspirées du quotidien comme Au revoir, merci, bonne journée en 1997 ou Chamonix en 2002. La cinéaste prolonge sa réflexion dans plusieurs romans remarqués : L' Agrume en 2001 et Eau Sauvage en 2007. Le langage, surtout celui des gens ordinaires et du quotidien, est un sujet de prédilection qui habite ses films comme sa prose. Avec Valvert , la plasticienne Valérie Mréjen, passionnée par la façon dont l'esprit se révèle ou s'exprime à travers le langage, a relevé le défi en prenant cette psychiatrie ouverte aux mots. Ce documentaire marque ainsi une rupture avec ses réalisations précédentes: "Je crois qu’il représente pour moi une ouverture formelle quant à l’acceptation de plus en plus grande de l’inconnu, du fortuit, au moment du tournage. Les personnages ne sont plus mes amis ou des connaissances, mais des gens que je croise dans cet environnement qui est le leur. Le sujet reste proche de mes thèmes de prédilection : les limites du langage, les bizarreries, le quotidien… une certaine folie finalement. Je crois que le lien existe aussi dans la recherche de situations, de scènes où le rire est possible. Je trouvais important de montrer que dans un lieu comme celui-là, où la violence et l’abattement sont souvent d’une intensité extrême, le sens de la dérision est présent et permet souvent de tenir le coup."
Avec ce deuxième documentaire, réalisé dans un contexte très différent de celui de Pork and milk, Valérie Mréjen a dû adapter sa méthode de travail au lieu très particulier qu'est l'hôpital de Valvert. La réalisatrice raconte: "Ce tournage a fait voler en éclats ma méthode de travail précédente, où j’étais en effet soucieuse de beaucoup préparer en amont, d’écrire et de mettre en forme les récits, voire de mettre en scène. Dans un lieu comme celui-ci, inutile de vouloir contrôler ou prévoir les choses : elles se produisent dans un ordre et une spontanéité que l’on est obligé de suivre, de recevoir et de capter sur le moment. On ne peut pas refaire les prises ou demander à telle ou telle personne de mieux redire une phrase, il faut observer et s’adapter en fonction. La réalité est bien plus forte, inutile de lutter…"
Valvert a été présenté au Festival international du film de La Rochelle, aux Etats généraux du film documentaire de Lussas et au Festival du Film de Vendôme en 2009.
La réalisatrice explique son choix de tourner un documentaire sur l'univers de la psychiatrie: "Par intérêt pour la psychiatrie et la psychanalyse, et plus généralement pour tout ce qui s’intéresse à la façon dont l’esprit se révèle ou s’exprime à travers le langage. Ce sont des questions qui m’ont toujours fascinée, mais j’avais plutôt lu des textes ou vu des films. C’était aussi l’occasion de me déplacer dans mon travail en côtoyant un univers qui m’était inconnu. C’était une chance de pouvoir rencontrer des gens confrontés à la maladie mentale… sans parler des patients, qui ont changé mon regard sur beaucoup de choses. Cette proximité pendant plusieurs semaines avec eux a modifié mon attitude, mon appréhension de départ aussi, et m’a fait comprendre ce principe de la médecine psychiatrique qui veut que le patient soit celui auquel les soignants s’adaptent, et non l’inverse. Il ne s’agit plus dès lors de « diriger » les personnes filmées, mais d’être dans une forme de dialogue étrange avec des mystères qu’il faut décoder (si on peut) et un rythme beaucoup plus lent, qu’il ne sert à rien de vouloir brusquer."
L'objectif de ce documentaire était avant tout de rendre compte de l'évolution de la psychiatrie dans un souci pédagogique, comme l'explique la réalisatrice, Valérie Mréjen: "Quatre soignants de l’hôpital, voyant de nombreux infirmiers psychiatriques partir à la retraite, et beaucoup de changements s’opérer depuis un moment, ont eu l’idée d’inviter une personne extérieure à l’institution pour porter un regard sur la façon dont la psychiatrie a évolué depuis une quarantaine d’années. Il s’agissait au départ de produire un outil pédagogique à l’attention des jeunes générations d’infirmiers diplômés d’Etat, qui ne reçoivent plus aujourd’hui de formation spécifique et arrivent souvent en psychiatrie sans avoir été préparés ou confrontés à l’univers de la folie. Cela crée souvent des malentendus entre les équipes « d’anciens », qui possèdent un savoir théorique et une certaine expérience, et les jeunes, qui n’ont pas forcément choisi cette spécialité".
L’une des contraintes fixées par la direction de l’hôpital durant le tournage de Valvert était de ne pas filmer les patients. Ce film est en effet né d’une commande de deux psychiatres et deux infirmiers psychiatriques, désireux de faire enregistrer par un regard extérieur, la parole des soignants. Mais au cours des premiers repérages, la réalisatrice se rend vite compte qu’il serait dommage de ne pas filmer la vie quotidienne dans les pavillons, les allées et venues, et bien sûr les patients. Elle a finalement obtenu le droit de filmer les patients de l'hôpital, le documentaire s’articule donc autour de moments d’interview de membre du personnel, infirmiers, ASH (agents de service hospitalier), médecins etc.