Une vision intimiste des conséquences d'un meurtre, sous une atmosphère italienne renfermée sur ses problèmes. On ne vit que grâce au regard d'un photographe qui déteste "l'autre", qui l'insulte, le méprise et le rejette. Antonioni filme son personnage en gros plans, le laissant circuler comme librement dans un cadre pensé selon des angles géométriques. Alors oui, "Blow up" est et restera l'un des plus fabuleux film de la nouvelle vague italienne juste pour sa réalisation mais aussi pour son sens du détail et son contenu. Le son ne venant que du plan et jamais du montage, on s'étonne de quelques morceaux de jazz, diffusés par une platine propre et nette, comme la vie rangée du personnage principal (magnifiquement interprété par un David Hemmings hallucinant). On se met à comprendre la vision, voire la mentalité de l'homme, puis sa personnalité, que certains décriraient comme rustre et obscène, mais qui est pourtant ressemblante avec les fantômes croisés chaque jour dans une rue presque vide... Mais Antonioni ne s'accapare pas ou peu d'autrui, laissant passer une "pétasse" dans un bar ou perdant la trace d'une jeune femme mystérieuse qui offrait une occasion pour trouver de l'inspiration, d'où la même symbolique du placement des angles qui vient et revient, le photographe se torturant les méninges pour trouver de nouvelles idées, à l'image de son oeuvre, qu'il veut ainsi et pour lui, et qui rappelle les manières pour mettre en scène un film. L'exercice de style, grandiose, s'inscrit comme réceptacle de la face thriller de cet objet cinématographique toujours inattendu, mais ne transformant jamais l'ambiance de base pour permettre autre chose que la résolution d'un meurtre. Au détour d'un parc où s'affrontent des mimes se dévoile une identité, névrosée et charnelle, complexe et troublante, grâce à cette caméra qui agit de la même façon que la balle de tennis : invisible, et pourtant qui s'envole pour ne plus laisser de doute quant à sa trajectoire. Et c'est un pari osé : on pourrait trouver ça grotesque, mais, bien loin de là, on trouve cela fabuleux, car il intervient à la toute fin d'une histoire avec ses us et coutumes, juste avant qu'on perde toute trace de l'acteur, et qui laissera un terrain où l'herbe eut bien poussée, intacte, malgré l'impulsion du vent qui n'agit pourtant que comme une caresse.