Faire un bon film, cela passe parfois par des voies détournées. En témoigne Harragas, primé à juste titre pour son humanité tranchante qui fait appel aux pires sentiments humains pour nous rattacher à l'outre-Méditerranée. La mise en images de ces Algériens voulant traverser la mer à tout prix est belle et juste, sans chercher à parler "à ceux qui ne comprennent pas". La voix off donne une agréable mesure, faisant aller l'histoire de l'avant quoique ses personnages, qu'on sait par trop réels, ne partagent pas souvent ce sort.
Mais les voies détournées dont je parlais sont cahoteuses, et l'œuvre trahit bêtement des points où elle s'adapte, quand bien même elle était naturelle dans ses lignes les plus importantes. Tout d'abord et c'est dommage, les acteurs jouent mal, sourtout quand ils parlent français. Mais ils ne sont pas aidés puisque leurs personnages sont axés avant tout sur un trait de caractère grossier qui permet de les identifier – grand mal leur prend – au premier regard et d'un seul mot : le beau gosse, le patibulaire, la fille qui obtient ce qu'elle a décidé... À la fin, même la fadeur de caractère paraît avoir été calculée, à la manière de ces éléments culturels disséminés comme des paroles subliminales afin de nous éclairer sur le rapport de l'Algérie au beurre français, aux séries égyptiennes et au made in Taiwan. Dans tous les cas, ça ne part évidemment pas d'une intention de détournement, mais le résultat n'est-il pas le même ?
Les Harragas sont un phénomène de société, et le film est un cri de désespoir si sincère qu'on ne peut rechigner sur sa volonté de bien faire. Mais je n'ai pas su me contenter de la bienveillante neutralité qui l'habite ; quelque part, j'ai eu le sentiment que le film préférait se noyer à combattre pour s'en sortir. L'altruisme d'Allouache veut-il qu'il se sacrifie au plus profond de l'imploration ?
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