Dès son premier film solo, Jabberwocky, Terry Gilliam a su dévoiler son talent unique : un univers sombre voire pessimiste, des séquences absurdes (issues de ses frasques avec les Monty Python), un humour noir déjanté et un sens du visuel extraordinaire qui repousse toutes les limites. Il l'avait une fois de plus prouvé avec l'exaltant Bandits Bandits, il récidive une fois encore avec son troisième long-métrage, Brazil, qui sera considéré pour beaucoup comme son meilleur film, qui va aller encore plus loin dans l'imaginaire déroutant du réalisateur britannique... Une mouche vient perturber un employé dans le bureau de regroupement d'une puissante entreprise, se fait écraser et tombe dans une machine à écrire, écorchant le nom d'un simple cordonnier. À partir de là, tout va dégringoler dans cet univers futuriste déjanté où la chirurgie esthétique est monnaie courante, où les travailleurs à la chaîne regarde en traître la télévision, où il faut un formulaire pour faire quoi que ce soit et où Sam Lowry, pauvre petit archiviste sans histoire, s'évade à travers des rêves fantasques où il combat des monstres terrifiants et essaie d'attendre un amour impossible. Le simple cordonnier a été arrêté et exécuté sans procès tandis que le véritable homme recherché, un plombier hors-la-loi, va faire la rencontre fortuite de Lowry, l'entraînant malgré lui dans ses aventures. Brazil raconte à peu près ça dans une version courte. Dans une version plus longue, difficile à détailler, Brazil parle de plusieurs choses toutes plus folles les unes que les autres. Il parle de régime totalitaire cher à George Orwell, de stupidités matérialistes gangrénant la société actuelle, de l'importance mais aussi du danger de croire en ses rêves et de la difficulté pour certains de grandir. Des thèmes chers à Gilliam qui sont ici exposés de la manière la plus réussie possible, à travers une mise en scène folle pleine d'ingénieuses trouvailles visuelles, de séquences oniriques palpitantes (le combat contre le samouraï géant est à tomber) et de passages bourrés d'un humour noir aussi hilarant que déstabilisant (la joute verbale contre les plombiers, le dîner au restaurant...). Mené par l'excellent Jonathan Pryce, alors découvert dans La Foire des Ténèbres, le long-métrage nous entraîne dans une folle péripétie située dans les entrailles d'une ville bordélique où se mêlent rêves, cauchemars et incertitudes pour une épopée hors du commun, faisant de Brazil un chef-d'œuvre intemporel qui continue d'émerveiller les pauvres Sam Lowry que nous sommes tous.