Comme on pouvait s'en douter, Baz Luhrmann n'a pas fait dans la dentelle. Il a passé le roman de Fitzgerald à la moulinette de son style pompier et pop, bénéficiant d'un énorme budget pour en mettre plein la vue et les oreilles. Résultat : un univers visuel exubérant, une utilisation de la 3D aussi gadget que kitsch, un gros casting dominé par Leonardo DiCaprio et un "all stars game" pour la BO (Beyoncé, Lana Del Rey...). Les anachronismes musicaux ne sont pas un problème, tout comme, dans son principe, le jeu sur les artifices, qui est au coeur du roman. Mais Luhrmann n'est guère connu pour son sens de la mesure. Nouvelle illustration avec ce film aussi chargé que son affiche le laisse présager. Le premier tiers est une sorte de parc d'attraction agité et coloré, conçu pour impressionner. Aucun plan ne dépasse les trois ou quatre secondes, même dans les scènes les plus simples. Étourdissante, la mise en scène devient très vite soûlante et étouffe l'expression de l'intime. Du coup, on a l'impression que DiCaprio est obligé de surjouer pour se faire une place dans cette orgie azimutée. Par la suite, ça se calme un peu, heureusement. Ou alors, on s'habitue. Le récit avance sans trop trahir le roman, mais en le rendant plus explicite, moins vague, moins mystérieux. L'émotion et la mélancolie finissent quand même par affleurer, surtout à la fin, portées par la qualité du texte de Fitzgerald et par un DiCaprio retrouvé, plus subtil qu'au début. Dommage que face à lui le casting ne soit pas à la hauteur. On se demande ce que Tobey Maguire (Spider-Man) fait dans ce rôle, affichant un air bêta tout au long du film. Carey Mulligan, adorable dans Drive ou Shame, déçoit un peu, manquant de piquant et de présence. Seul Joel Edgerton tire plutôt bien son épingle du jeu, dans un registre brut et intense.
Au final, on retrouve donc bien tous les thèmes du livre (le rêve américain, l'arrivisme, une forme d'idéalisme romantique et le désenchantement qui va avec), mais limités par des excès en tout genre et affadis sous un vernis toc et souvent de mauvais goût. On se situe aux antipodes de la version de Jack Clayton avec Robert Redford (1974), plus classique, plus classe, mais malheureusement un peu atone et longuette. Entre les deux versions, il y a ainsi encore de la place pour un vrai bon Gatsby.