En 2008, « Valse avec Bachir », premier docu filmé tout en animation, sonnait comme une petite révolution. Le réalisateur Israélien Ari Folman y abordait, de manière quasi autobiographique (il ne cache pas que « Valse avec Bachir » est fondé sur sa propre histoire personnelle, marquée notamment par d'importants troubles du sommeil sous la forme d'hallucinations), des thèmes aussi puissants et saisissants que la mémoire, l'oubli, l'état de stress post-traumatique et la question de la culpabilité des soldats lors de l'après-guerre.
Réalisé à l'aide de dessins créés de toutes pièces, « Valse avec Bachir » fut présenté en compétition officielle du 61è Festival de Cannes où il reçut un large succès de la critique lors de sa première. Le César du meilleur film étranger en poche, Ari Folman grimpa jusqu'aux sommets hollywoodiens et triompha d'une prestigieuse récompense aux Golden Globes 2009 (Meilleur film étranger).
Aujourd'hui, l'homme est revenu en force sur la croisette avec « Le Congrès », adaptation cinématographique du roman « Le Congrès de futurologie » de Stanislas Lem, publié en 1971. « Le Congrès » sort sur les écrans français début juillet.
Synopsis Allociné : Robin Wright (que joue Robin Wright) se voit proposer par la Miramount d'être scannée. Son alias pourra ainsi être librement exploité dans tous les films que la major compagnie hollywoodienne décidera de tourner, même les plus commerciaux, ceux qu'elle avait jusque-là refusés. Pendant 20 ans, elle doit disparaître et reviendra comme invitée d'honneur au Congrès Miramount – Nagasaki dans un monde transformé et aux apparences fantastiques …
Ari Folman est doué. Dans une première partie absolument bouleversante, elle-même divisée en trois temps – un entretien de Robin Wright (qui joue son propre rôle) avec son agent (Harvey Keitel, touchant), une seconde entrevue avec un producteur hollywoodien interprété par Danny Huston, et enfin une scène tout à fait sublime, celle du « scan » où Robin Wright s'encastre dans une armature de capteurs à émotions (rappelant la magnifique « capture » du chef d'œuvre « Holy Motors ») – le réalisateur Israélien dresse une satire du cinéma contemporain, d'Hollywood.
Ce premier morceau, Lynchien par moments (« Mulholland Drive »), est aussi l'occasion d'un étonnant regard introspectif de Robin Wright. À 44 ans, sa carrière est à la dérive. L'actrice de « Forrest Gump » et de « Princess Bride » subit les revers de choix foireux et vit désormais dans un hangar avec ses enfants. Une proposition subversive de devenir une « marchandise » numérique plus tard, la comédienne doit se replier, s'isoler (contre une belle rémunération). Robin Wright fait preuve d'un talent démesuré avec ce surprenant sens de l'autodérision, pimenté d'une authentique bienveillance envers sa famille.
« Le Congrès » s'évapore ensuite dans un tronçon dystopique animé qui explore la déréalisation du monde, et les conséquences d'une virtualité fantasmée. Une tournure radicale, qui nous perd en route à force de multiplier les enjeux, les métaphores, les clins d'œil (Philip K. Dick, Brandon Cronenberg) dans un récit d'anticipation complètement hallucinogène où l'animation, moins pudique que le vernis de « Valse avec Bachir » et très inspirée par les studios Fleischer, étouffe cruellement l'émotion, devenant un obstacle à l'effervescence.
Ari Folman se rattrape heureusement dans un dernier segment mélodramatique tout à fait honorable, sorte de trait d'union entre la réalité et l'imaginaire, salutaire repli vers la simplicité (les retrouvailles de Robin Wright avec son fils).
Autre atout majeur du « Congrès » : sa bande-son déchirante, composée par l'allemand Max Richter, qui avait déjà officié sur « Valse avec Bachir ». Max Richter, imprégné du mouvement post-minimaliste, facilite une nouvelle fois l'immersion dans les séquences de rêves et d'hallucinations grâce à ses violons et ses bois qui accrochent un thème insistant et lancinant, soutenu par une percussion discrète mais nécessaire.
Bilan : « Le Congrès » n'est jamais meilleur que lorsqu'il revient à l'essentiel, oubliant constructions alambiquées, métaphores appuyées, SF confuso-onirique : les craintes & les angoisses d'une actrice face aux métamorphoses hollywoodiennes, les relations en dents de scie entre cette dernière et son enfant, fragile et absent.