Il y a d’abord cette actrice en souffrance. L’excellente Robin Wright joue ici son propre rôle. La scène d’ouverture est centrée sur elle, sur ses larmes et bercée par la voix de son manager Al (Harvey Keitel) qui lui rappelle sa vie d’artiste, ses mauvais choix, sa carrière autrefois glorieuse. Sa société, Miramount (mix sournois entre Miramax et Paramount), lui propose une dernière alternative novatrice : se faire scanner et quitter définitivement les plateaux de tournage. Ainsi, son double numérique pourra être librement exploité par la compagnie hollywoodienne. De toute façon, les décisions sont déjà prises. Le cinéma comme on le connaissait est alors amené à disparaître.
De ce point de départ en forme de décrépitude, Ari Folman signe un film formidablement ambitieux, profondément intelligent et d’une virtuosité sensationnelle. Le réalisateur de Valse avec Bachir organise Le Congrès en deux parties. La première est "réelle", poignante, possède une dynamique incroyable et entraîne le spectateur dans une émotion inégalable et prodigieuse. La caméra suit cette héroïne en perdition à la fois dans sa difficile vie de famille mais aussi au travers de ses réunions de travail austères dans lesquelles la parole est monopolisée par la direction (Danny Huston – Jeff). Pour clôturer cette terrible descente, le personnage principal – et le public – découvre ce scan massif, cette machine futuriste capable de capter chaque expression du visage. Ce passage merveilleux provoque une effervescence démentielle et symbolise avec une grâce redoutable la fin d’une époque et le début d’une nouvelle. Vingt ans plus tard, la narration se trouble, les comédiens s’évaporent.
En effet, le second acte bascule dans une fable délirante où l’animation remplace la réalité. En effectuant ce retournement temporel, Folman dresse une fresque fabuleuse d’un monde imaginaire aux bords d’un baroque dégoulinant. Les protagonistes se voient plongés dans un environnement halluciné à l’intérieur duquel l’art et la physique ne font plus qu’un. Par conséquent, les populations ont le choix entre vivre une vérité pathétique ou dériver vers un spectacle permanent, divaguant, sans limite et désordonné. Confronté à l’amour de Dylan (Joe Hamm), Robin Wright demeure quant à elle perdue face à ses peurs, hésitante comme toujours : à la recherche de son fils malade, elle réitère, en définitive, ses actions passées.
Sous cette explosion tardive de couleurs flashy se cache finalement une production exceptionnelle de bout en bout. Le Congrès s’inscrit comme un travail vertigineux, unique, éclatant et visuellement impressionnant qui force le respect. Folman mêle à un sujet passionnant des aspérités mirifiques et offre indiscutablement un puissant chef d’oeuvre.