De retour dans le milieu mafieux après Mean Streets (1973) et le cultisme Les Affranchis (1990), Martin Scorsese réunit une nouvelle fois l'un des binômes de gangsters les plus connus du cinéma pour faire le récit de l’ascension et de la décadence de la mainmise mafieuse sur les casinos de Las Vegas dans les années 1970-1980.
Après le semi-échec commercial de son précédent film, Le Temps de l'innocence, Scorsese décide de renouer avec les éléments de son succès, cinq ans plus tôt, grâce aux Affranchis. Même milieu, même binôme en tête d'affiche, des ressemblances frappantes qui font de Casino une copie des Affranchis, mais en moins réussie. Même si l'intention de porter à l'écran des faits réels est honorable, l'action du film met trop de temps à se lancer, et on perd une bonne première heure dans une narration peu pertinente ponctuée de détails sur la gestion d'un casino et de ses affaires comptables.
Toutefois, l'histoire (ne parlons pas d'intrigue comme le souhaitait Scorsese lui-même) présente une réalité historique appréciable, rendue crédible par le tournage réalisé dans les locaux de l'ancien Riviera, un hôtel-casino ayant servi de décor à de nombreux films mais finalement détruit en 2016. C'est ainsi que l'histoire s'inspire d'un ouvrage de Nicholas Pileggi, un auteur dont Scorsese s'est déjà nourri pour la réalisation des Affranchis. Ici, le scénario adapte fidèlement la vie de Frank Rosenthal, directeur des années 1970 au début des années 1980 de l'un des plus célèbres casinos de Las Vegas, le Tangiers (lui-même inspiré du Stardust), au nom de la mafia de Chicago. Dans cette ascension, il est associé à un gangster mégalomane et brutal, Nicky Santoro, qui prend peu à peu ses distances et tente de devenir plus puissant que son acolyte, au détriment des règles et de la loi, entraînant Rothstein/Rosenthal dans sa chute.
Pour sa seizième réalisation, Scorsese réunit Robert de Niro et Joe Pesci pour la troisième fois après Raging Bull (1980) et Les Affranchis (1990), eux-aussi habitués des rôles de mafieux. D'ailleurs, la similitude entre Casino et Les Affranchis va jusqu'aux interprétations de Pesci, quasiment identiques mais toujours aussi réussies dans la peau de personnages brutaux et incontrôlables. Pour compléter ce duo, Sharon Stone livre l'une des meilleures prestations de sa carrière, consacrée par le Golden Globe 1996 de la meilleure actrice dramatique. Toutefois, bien que nominée à l'Oscar de la meilleure actrice, le trophée lui passe entre les mains. Au sujet du rôle de l'actrice, précisons tout de même le caractère particulièrement exécrable du personnage qu'elle interprète : Ginger Rothstein, épouse vaniteuse et fragile du directeur du casino. Incapable de rendre la considération offerte de manière désintéressée par son époux, mère indigne qui n'hésite pas à se droguer devant sa fille et à la ligoter, menteuse, manipulatrice, alcoolique et droguée, ce personnage féminin entre dans la liste des femmes les plus détestables du cinéma. Enfin, pour certains, la relation qu'elle entretient avec Sam Rothstein est l'une des plus fortes du septième art. Néanmoins, en faisant un parallèle avec l'histoire sentimentale de Tony Montana et d'Elvira Hancock dans Scarface (1983), avec laquelle elle présente de nombreuses similitudes, je trouve que cette dernière dépasse le couple Rothstein en terme de force émotionnelle, consolidée par les excellents jeux d'acteurs d'Al Pacino et de Michelle Pfeiffer.
Avec près de 120 millions de dollars de recettes mondiales, les 45 millions de budget de production sont largement amortis et le film rencontre un véritable succès dans les salles (près de 2 millions d'entrées rien qu'en France). Considéré comme l'un des meilleurs films de Scorsese, cette nouvelle plongée dans le milieu du grand banditisme marque également la dernière rencontre entre le cinéaste et de Niro durant les vingt-deux prochaines années. En effet, il faut attendre 2019 et le projet Netflix The Irishman pour que ces deux légendes du cinéma repartent dans les bas fonds qui ont largement participé à leur notoriété.