Que s'est-il donc vraiment passé ce fameux 22 novembre 1963, date de l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy ? Très vite, les autorités américaines ont classé le dossier et Lee Harvey Oswald a revêtu le costume de coupable comme tueur isolé, lui qui a été abattu peu de temps après son arrestation. Alors sous le choc, la population américaine a accepté cette vérité... Mais un procureur, Jim Garrison, a essayé de fouiller et de chercher plus loin.
Commençant comme un documentaire par des images d'archives retraçant le parcours de Kennedy comme président, on arrive assez vite à l’assassinat puis Jim Garrison découvrant cela à la télévision en ce funeste jour de novembre 1963. Par la suite, Oliver Stone se base sur les livres de Jim Garrison ("On the trail of the assassins") et Jim Marrs ("Crossfire : The plot that killed Kennedy") ainsi que divers éléments pour retracer au millimètre près cet événement puis l'enquête de Garrison qui a suivi. Le réalisateur américain fut notamment accusé d'inventer certains éléments, ce à quoi il répondit en justifiant toutes les lignes de son scénario mais qu'importe, le plus important n'est pas vraiment là car à travers cette histoire, il interroge et pose beaucoup de questions sur son pays, son gouvernement et ce qui s'y cache derrière.
Si Oliver Stone a l'habitude de s'attaquer à des controverses ou des affaires concernant son pays, c'est surement avec "JFK" où il est le plus brillant et où sa maîtrise ne tombe pas dans l'excès et/ou la lourdeur, bien au contraire même. Se basant sur des faits réels, il démonte un par un toutes les "vérités" acquises par la commission officielle de l'époque, démontre clairement que non, Kennedy n'a pas pu être tué par un unique tireur isolé qui a été assassiné peu de temps après. Il montre même la façon assez absurde dont la commission a bouclé l'affaire, mais finalement ce n'est pas le plus important. Qu'il n'y ait pas qu'un tireur ce jour-là, j'en suis convaincu, tout comme le fait que toute cette affaire a été expédié trop vite et qu'il se cache bien des choses derrière. Et c'est à mes yeux là ce qui important avec "JFK", c'est ce qu'il se cache derrière cet assassinat, qui est tout en haut, qui l'a voulu et pourquoi. Sur ce point-là, Stone pose beaucoup de questions sans forcément qu'il y ait de réponses claires et nettes mais apporte des éléments importants et en même temps livre son point de vue à lui. Car le vrai pourquoi du comment, je doute qu'il soit un jour possible de le prouver mais personnellement, mon point de vue rejoint celui que Stone livre à travers le film à savoir que ça venait vraiment de tout en haut, manigancé par ceux qui étaient gênés par les actions de JFK et ceux qui pouvaient vraiment profiter de sa mort (sans pour autant que ce soit le seul possible, ce n'est que mon opinion).
D'ailleurs, l'évolution de l'enquête de Garrison comme le retranscrit le film, montre que les vraies questions sont souvent détournées. Lui-aussi commence d'abord à s’intéresser à qui a tiré sur Kennedy (ce qui d'ailleurs, comme le montrent deux scènes du film, renvoi aussi à l’assassinat de son frère et de Luther King) et qui était là ce jour-là, avant de commencer à creuser sur à qui profiterait cette mort. Et ça Stone le retranscrit très bien, notamment en montrant quels étaient les vrais projets de Kennedy, notamment arrêter la guerre du Vietnam ce qui ne plaisait pas forcément à tout le monde, comment il a géré la crise de Cuba et ses liens hostiles avec la CIA, la façon dont il gênait certaines grosses industries, notamment d'armements etc etc. Car finalement, derrière tout cela, Stone interroge sur son pays, ses institutions, ses manipulations, son lavage de cerveaux, ses objectifs, la façon dont il est corrompu jusqu'à la moelle ou comment il est prêt à casser ceux qui s’opposent à lui... et plus on avance dans le film, plus c'est effrayant.
La construction du récit est remarquable. Stone divulgue peu à peu les éléments tout en gardant sa caméra braqué sur le personnage de Garrison (superbement incarné par un Kevin Costner tout en justesse et sobriété ), qu'il rend fort intéressants de par ses enjeux, son acharnement, ses convictions et ses doutes, tout en mettant en avant la façon dont cette enquête l'empêche de vivre une vie "normale". Le récit est très riche et Stone gère très bien la façon dont il met en place les diverses péripéties et événements. Peu à peu il met en place une galerie de personnages souvent louche et liée de près ou de loin à l’assassinat, s’intéresse à la façon dont les médias ont géré l’événement, sur le passé d'Osvalt ainsi que de ses choix parfois douteux (pourquoi a-t-il tirer à ce moment-là alors que ça aurait été bien plus simple de tirer quelques secondes auparavant), les liens avec Cuba, la vision américaine du communisme (Kennedy ayant lui-même, que ce soit avant ou après sa mort, été insulté de communiste (!)), les doubles vies et la face sombre de certains personnages, la façon dont des témoins de l'affaire ont été dans "l'incapacité" de raconter ce qu'ils ont vu etc etc.
Passionnant tout le long, Stone met en place une atmosphère de complots et de morts avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête de Garrison. Déjà intéressant à la base, il ne fait que renforcer les doutes et questionnements vis-à-vis de cette affaire et des enjeux politiques de cette mort. Il use de nombreux flash-back et son montage est adéquat à la façon dont il raconte cette histoire. Il met en place de l'intensité et de la tension et le film monte crescendo et contient son lot de moments forts, que ce soit à travers des dialogues (écrit intelligemment et avec justesse) ou des péripéties, comme en témoigne tout le procès final à la fois criant de vérité, brillamment mis en scène et très, très (très) effrayant se terminant par un long réquisitoire de Garrison, s'adressant directement à nous les spectateurs. Il alterne avec grand brio et maîtrise entre style documentaire, film coup de point, investigation et thriller politique, ne rendant le film que plus haletant et use de divers effets de style (usant de différentes photographies, plan serré sur certains visages...) adéquates à la tension et à l'atmosphère sans pour autant tomber dans l'excès comme il l'a pu le faire dans d'autres de ses films.
En plus d'être un film important, c'est une oeuvre brillante, passionnante et effrayante où, à travers l'affaire JFK, Stone met en avant toutes les (parfois horribles) défaillance du système de son pays et ses mensonges. Le sommet de la carrière d'Oliver Stone, là où le fond et la forme ne font qu'un. Brillant.