Comment savoir est un titre double : il parle aussi bien de son héroïne, tiraillée entre deux hommes dont elle se demande lequel lui convient le mieux, que de son spectateur. Comment savoir, donc, si ce film est bon, ou pas. C'est qu'il n'est pas évident de démêler ses qualités de ses défauts et que le film oscille constamment entre folie et platitude. Rapidement, on sent que ce film a un cachet unique, qu'il se situe loin de la comédie romantique basique dont il reprend pourtant quelques ingrédients indispensables ( le manège à trois en est un ). James L.Brooks n'invente rien et sait que les vieux pots sont les plus à même à faire les meilleures confitures. Mais à trop faire confiance à une recette à succès, le metteur en scène oublie quelques principes de base, comme le rythme. Le film flotte ainsi dans une atmosphère étrange faite d'une mollesse narrative et de mise en scène, qui enlève du charme à l'ensemble. Mais l'argument est réversible, et ce manque de tonus peut aussi être vu comme une sorte de légèreté. Comment savoir ? On ne répond pas à la question parce que cela est difficile à définir, et que le film offre et manque d'autre chose dont il faut aussi parler.
L'autre lacune du film, ce sont ses trois acteurs principaux : Paul Rudd est d'une fadeur inouïe, Owen Wilson ne profite pas du personnage remarquable qui lui est offert, et Jack Nicholson passe en ami pour faire le boulot sans éclat aucun. Il n'y a aucune âme chez les protagonistes, qui ressemblent dès lors à des stéréotypes poussifs, et la jubilation qui aurait pu naître n'est finalement que regrets, ceux de voir des acteurs en train de lutter pour interpréter des personnages plutôt que de seulement voir les personnages eux-mêmes. Heureusement, autour d'eux, il y a Reese Witherspoon, formidable de fraîcheur, de beauté et d'élégance. Son personnage est à l'image d'un film en décalage constant, à la fois déroutant et audacieux mais toujours pétillant. Quand Lisa tape à la porte de George avant de lui dire qu'elle préfère s'en aller, c'est le film lui-même qui dit quelque chose de son identité : il vient chercher le spectateur sur un terrain connu, avant de partir par crainte de ne pas être suivi et compris. Mais pour peu qu'on aime l'originalité, il faut suivre le film, à défaut de toujours le comprendre. Car s'il y a dans le dernier Brooks des défauts assez agaçants, le film regorge de petites pépites d'une beauté rare dans ce genre de comédies. C'est dans ces idées qui sont autant d'éclats vifs que le film prend des chemins délaissés trop souvent par la comédie romantique, qui préfère emprunter la route commune et balisée où les discours sont constamment inauthentiques, répétitifs, plats et gnan-gnan ( au hasard : " Les sentiments sont supérieurs à l'argent " - sans blague ! - dont l'exemple est montré dans la double séquence finale des cadeaux ). Le film propose une approche fraîche et nouvelle sur un propos vu mille fois au cinéma, et même si la maladresse l'accompagne un peu trop, on ressort de là le sourire aux lèvres et l'esprit chamboulé par cette comédie atypique.
Comment savoir, alors, si le film est bon ou pas ? Ne pas trop y réfléchir et se laisser porter simplement par l'histoire est peut-être la meilleure chose à faire. Ce qu'il faut savoir ici, c'est qu'il y a des défauts, des qualités, des moments décevants mais d'autres magnifiques, dans un film devant lequel il serait dommage de ne pas se laisser séduire.