Lisa (Reese Witherspoon) est une joueuse de soft ball de trente-et-un ans qui, découvrant sa non-sélection dans l'équipe nationale, se voit contrainte de se reconvertir. Tous ses repères s'effondrent et elle doit trouver quoi faire, désormais, de sa vie. Ce carrefour existentiel, auquel elle se trouve sans en avoir vraiment envie, est incarné par deux hommes : Matty (Owen Wilson), vedette du base-ball et George (Paul Rudd), un fils à papa embarqué dans une histoire d'escroquerie à laquelle il ne comprend rien. James L. Brooks, maître rare et discret de la comédie américaine, se tient au plus près de son héroïne, l'accompagne dans ses atermoiements et livre ainsi une comédie romantique délicate, drôle et troublante, moins superficielle qu'il n'y paraît.
Car Comment savoir se demande ce que s'est toujours demandé la comédie américaine depuis qu'elle existe : comment trouver le bonheur ? Et comment savoir, avant tout, si on est heureux ou pas ? Pour répondre à cette question essentielle, plus qu'entre deux hommes, Lisa doit choisir entre deux regards sur l'existence : entre optimisme et pessimisme, entre enthousiasme béat voire bébête et intelligence angoissée et incertaine. Substituant dans un geste sinon féministe, en tout cas « féminisant », la traditionnelle dualité entre la blonde et la brune à l'alternative blond/brun, James L. Brooks réalise un conte moral quasi rohmerien. Owen Wilson et Paul Rudd incarnent deux formes opposées de masculinité, ni l'une ni l'autre agressive ou caricaturale. D'ailleurs, si Lisa fait un choix à la fin, elle n'abandonne pas les possibilités offertes par la vie entrevue avec l'autre homme. J'essaie ici de ne pas dévoiler la fin de l'histoire (d'où la formulation un peu alambiquée), mais il faut bien avouer qu'on devine assez rapidement qui sera l'élu de l'héroïne. Néanmoins, Comment savoir vaut avant tout comme film d'hésitations, d'erreurs, de quête, de recherche du bonheur en somme.
Les personnages de Brooks cherchent non à faire le bien, mais à faire mieux – ceci est particulièrement incarné ici par le personnage d'Owen Wilson, un peu crétin mais tellement touchant dans sa volonté de s'améliorer et de comprendre ses errements et ses indélicatesses. De même pour l'héroïne qui s'échine à suivre les petites consignes pratiques qu'elle collectionne et colle sur le miroir de sa salle de bain (« se juger soi-même avant de juger les autres » etc.). Ce type de petits détails bien vus qui parcourent le film participe du plaisir immense et de l'impression d'authenticité que le film procure. De manière générale, tous les personnages sont traités avec un grand tact, chacun est attachant à sa manière, dans son obstination à rester soi-même tout en cherchant à composer avec les autres. Le regard porté sur eux par le cinéaste est d'une tendresse et d'une finesse rares.
Comment savoir est également une comédie excellemment jouée. Reese Witherspoon est adorable, espiègle et imprévisible. Autour d'elle, Owen Wilson, le seul acteur au monde à pouvoir rendre un niais surexcité aussi attachant, et jouer l'idiotie avec tant de douceur et de secrète inquiétude ; et Paul Rudd dans son meilleur rôle, avec son visage bouleversant un peu perdu et hésitant, plein d'appréhension. Finalement, c'est la partie Jack Nicholson qui intéresse le moins, l'acteur surjouant un numéro un peu prévisible dans le rôle du père sans scrupule de George – et on se fiche un peu de ses histoires d'arnaques financières. On ne croit pas trop, non plus, à ce personnage de petit salaud, certainement parce que Brooks préfère filmer ses héros fondamentalement bons et « perfectibles ». Pour autant, Comment savoir n'est en rien un film mièvre : au contraire il est d'une grande lucidité sur ce déchirement qui consiste à choisir quel genre de vie on veut mener, cette abîme de doutes qui est celle de la liberté et du bonheur mêmes. Une discrète mélancolie qui rehausse ce film par ailleurs sublimement dialogué et très drôle (les répliques crétines d'Owen Wilson, les scènes avec l'assistante de George, entre autres).