En retard de deux ans mais pourtant vierge de toute bande-annonce et d'une connaissance du film plus poussée que celle du synopsis, me voici à bord de Prometheus, le vaisseau que Ridley Scott souhaitait inscrire dans la lignée des navires spatiaux légendaires visités par le xénomorphe dans un prequel à son film culte, Alien ; le huitième passager. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la quête des origines concernait bien plus celles de l'humanité que celles des monstres qui l'ont tourmentée, fascinée mais aussi décrite 4 long-métrages durant. Puis allumant mon cerveau, j'ai enfin su voir le titre de ce blockbuster autrement que comme un simple assemblage de lettres : Prometheus. C'est donc ça que Scott explore. Une relecture moderne du mythe de Prométhée, titan condamné au supplice éternel par Zeus lui-même en punition de son don à l'humanité du savoir divin. Le mythe de l'hybris, de la démesure, de la violence des passions de l'Homme, coupable de désirer davantage que ce qui lui fut attribué par la partition destinale. Un sujet vaste, intarissable, inquantifiable qui appelle vraiment à un lâcher-prise total et à une ambition sans pareille pour sa mise en scène. D'ambition, Ridley Scott n'en manque pas, mais il se rate néanmoins dans la genèse de cette oeuvre hybride qui manque de force et de jusqu'au-boutisme. Les problèmes sont multiples ; le premier est sans doute la gestion du rythme et des enjeux. Ridley rate en effet son montage, oubliant certaines coupes nécessaires quant au final son oeuvre manque de longueur dans son développement. Surtout dans son début, Prometheus va trop vite, oubliant de se poser calmement pour instaurer l'ambiance qui a toujours nappé et porté les questionnements de la saga Alien. Il construit ses réflexions en parallèle, souhaitant sans doute se donner une ampleur supérieure. Mais en cherchant à s'élargir, le film de Scott perd en profondeur et tout est trop vite exploré. Par la suite, le rythme se pose quelque peu, pour une partie d'exploration qui remonte en puissance, satisfaisant par de nombreuses excellentes idées scénaristiques, par malheur pas toujours exploitées à fond, là aussi. On regrette également le développement inégal des personnages : Charlize Theron et Idris Elba ne servent à rien (malgré des prestations de joli standing), Noomi Rapace, la plus assidue à l'écran, ne marque majoritairement que par une unique (mais anthologique) scène, Guy Pearce se fait trop rare et seul Fassbender impressionne, rejoignant Ian Holm au rang des androïdes les mieux dessinés de la saga. Sans avoir vu les McQueen, pas de doute, Magnéto ne brille jamais autant que quand il n'est pas humain. Mais même quand tout est au mieux, rien n'est jamais parfaitement bien : Prometheus reste inlassablement limité par son manque d'approfondissement et un revirement d'intrigue (le réveil de l'ingénieur) qui casse quand même salement la recherche métaphysique esquissée. Tout de même, certaines idées marquent, certaines scènes resteront mais l'ensemble manque de cohérence, de stabilité. Le scénario finit par être trop directif pour laisser toutes les portes ouvertes, et en même temps pas assez franc du collier pour donner envie de croire à celles qu'il ne ferme pas. C'est dommage, mais de ce côté là je suspend mon jugement : Prometheus n'est pas qu'un prequel, c'est l'ouverture d'une nouvelle saga. Et on ne juge un puzzle qu'une fois toutes ses pièces assemblées. Espérons donc que j'aie le nez creux et que la suite éclaire Prometheus d'une nouvelle lumière. Parce que jusque là, ce volet inaugural n’apparaît que comme un réservoir d'où on repêche de vrais moments de cinéma et de vraies idées de science-fiction, sans donner l'impression d'un ouvrage abouti. Là où Ridley Scott n'a pas été discuté, sur sa direction artistique, je vais même poser un bémol en me lamentant d'un léger manque de personnalité. Et si toutes les créatures sont splendides, seule l'idée est garante du résultat, et on ne peut pas apprécier sa mise en images si on ne l'aime pas en elle-même. Les surimpressions permanentes sont quand même ultra-immersives, et tirent de la science-fiction le meilleur de l'imaginaire qu'elle met à notre disposition. Puis c'est vrai que ces teintes terreuses sont bien celles de la saleté humaine, de nos questionnements laborieux, de notre nature indigne du savoir absolu et de son profit. Mitigé parce que bancal, Prometheus donne par moments presque l'impression ne pas pas être délivré en final cut - j'espère vraiment qu'une DC viendra l'enrichir, d'ailleurs. Mais il reste avant tout un film puissant aux inspirations parfois géniales, dont le scénario traite autant des origines humaines que du présent d'homo sapiens, de son avenir et de sa nature profonde. Espérons que le prochain film lui, saura faire l'inverse : en nous promettant un futur doré (un volet 3 suivra, je n'en doute pas), qu'il nous offre un présent réjouissant en même temps qu'il éclairera son passé, en donnant à ce Prometheus une autre dimension. Parce que nul doute que quelque chose de grandiose est réalisable de cette saga qui, je pense que cette critique l'a bien fait comprendre, naît sur les cendres d'Alien. Et si son départ est moins bon que celui de la tétralogie qui révéla Sigourney Weaver, qu'est ce qui nous permet de croire que la suite ne sera pas meilleure ?