Intrinsèquement, ce remake US (eh oui, un de plus) de la pépite Morse, film adoubé de toutes parts du suédois Thomas Alfredson - adapté d'un livre de John Ajvide Lindqvist - vaut sans doute un bon 3.5 sur 5 et un avis (très) positif. En réalité, il ne s'avère qu'une décalque pâlotte d'un grand long-métrage qui, 2 ans plus tôt (eh oui, seulement), revisitait le film de vampires avec onirisme, sincérité et subtilité. Des trois atouts majeurs du film copié (plagié ?) par Let Me In, il ne reste qu'une agréable sincérité, celle de malgré tout vouloir rendre accessible au grand public un magnifique scénario et tout ce qu'il peut charrier d'émotion, de beauté ou de vérité. Enfin tout, n'abusons pas. Car en chemin, la finesse s'est perdu, au travers de chaque scène. Let Me In n'est pourtant pas un objet bourrin et stupide, conservant bien sûr dans les grandes lignes le paquetage de Morse, mais il n'empêche que scène après scène, on note à quel point les légers remaniements de l'intrigue lui ont fait perdre en densité comme en évidence et en poésie. Ce que j'aurais pu pardonner si Matt Reeves (réalisateur à la filmo jusqu'ici moyenne, bien qu'ayant avec Cloverfield tapé dans l’œil des studios qui lui ont ouvert les portes de la Planète des singes) cherchait une réelle relecture du récit. Mais de ce côté là, les illusions s'envolent vite, quand on constate qu'un dialogue sur trois est grossièrement pompé sur ceux de Morse. C'est là que j'en veux à Reeves ; dans son indécision entre un copié/collé pur (ce dont on se rapproche de près) et une oeuvre plus personnelle. Car au travers de sa mise en scène et de bon nombre de plans, Reeves tente quand même de se détacher un minimum de Morse, d'innover. Le problème étant que les idées idoines, le film suédois les a déjà eues, et voir Let Me In s'en priver de la sorte est quelque peu frustrant. Si on conserve grosso-modo l'essence originelle, elle est aussi salement édulcorée par des choix frileux qui tendent à américaniser le propos (que viennent faire ces timides références religieuses, sinon parler inopportunément au peuple de l'oncle Sam ?). Visuellement, on sent quand même que Reeves n'est pas un manche, mais il ne peut là aussi verser à fond dans la veine exigeante de l'original sous peine de déstabiliser son public. L'ambiance, desservie par une photo très belle dans l'absolu mais trop nuancée pour le sujet, n'est plus la même. Le rythme, lui-aussi, s'accélère, presque insensiblement dans un premier temps, mais trop pour conserver l'aura, le mystère, l'attractivité étonnante du film de Thomas Alfredson. Et l'esthétisation ne sert pas toujours le propos. Maintenant, reste un argument valable pour décider les fans de l'original, à qui par ailleurs je le dis sans détour, ce remake n'apportera pas grand chose sinon une confirmation du manque d'originalité d'Hollywood et de sa triste capacité à essorer un film pour le standardiser. Cet argument est double, et il s'appelle en même temps Kodi Smit-McPhee et Chloë Grace Moretz. Si le duo de personnages rend moins bien l'onirisme enfantin et mystérieux que possédaient des protagonistes suédois plus finement dessinés, l'intérêt est grand de suivre l'éclosion progressive de ces deux jeunes acteurs découverts dans The Road et Kick Ass. Qui sait, dans 15 ans, Let Me In pourra peut-être se relire comme le long-métrage visionnaire qui aura réuni deux des plus grandes stars du moment. En attendant, et même si en lui-même, il reste un "mélo horrifique" de qualité, il fait bien pâle figure comparé à son bien plus achevé pendant suédois.