Nul n’ignore que le Japon est une contrée où sont cultivées les traditions depuis la nuit des temps, dont certaines sont empreintes de légendes, une contrée où le code d’honneur occupe une place comme nulle part ailleurs. En partant du principe que le public connaît les samouraïs et pas les rōnins, l’entrée en matière de « 47 Ronin » faite en voix off s’est voulue très explicative. Le thème est planté, et nous savons à quoi nous attendre. Ainsi le spectateur n’est pas perdu ni dans le fonctionnement des fameuses provinces, ni dans le récit. Sachant que le scénario s’inspire d’un fait réel ayant eu lieu de 1701 à 1703, on pense suivre une aventure épique formidable. Le spectacle est bon, accompagné d’une bonne musique aux tonalités japonisantes. En tout cas divertissant. Cependant on peut déplorer qu’Hollywood, fort d’un budget conséquent de 225 millions de dollars, ait voulu romancer cette fabuleuse épopée avec l’intégration d’un sang-mêlé (mi anglais mi japonais) et l’acoquiner avec la fille qui l’a veillé quand il a été recueilli, mais pas n’importe quelle fille. A y être, autant qu’elle soit l’héritière du trône provincial. Heureusement, cette amourette sera plus ou moins effacée. Avec ce désir de faire de cette fameuse histoire quelque chose de sensationnel, on peut craindre un usage outrancier du côté fantastique pour utiliser les légendes et croyances diverses, mais ce n’est pas le cas. Il y en a, mais pas tant que ça finalement, même s’ils restent en toile de fond tout au long du film. Le seul moment peut-être un peu too much parce qu’on s’y perd un chouia (en tout cas un peu désarçonné) est dans la grotte, refuge d’une espèce de fantômes. Les costumes sont magnifiques, et les décors… eh bien c’est simple : on se croirait vraiment au Japon. Quand on voit les architectures typiques de là-bas, ces grandes cours jonchées d’arbres à la floraison lumineuse rose pâle, les costumes (geishas, hauts dignitaires, samouraïs), les rites et les attitudes, les jardins typiquement japonais avec ses espaces de gravillons minutieusement striés, le dépaysement est total. Cependant je condamne le cliché qui consiste à installer le camp des gentils dans un véritable petit paradis terrestre, et le camp des méchants dans un monde de noirceur. Ceci offre pourtant l’avantage de ne jamais perdre le spectateur géographiquement parlant. Comme convenu à l’avance, le public va se rattacher à la cause des hommes désormais errants, impressionnants d’organisation lors de l’assaut final, millimétré dans sa mise en œuvre. Mais au bout du compte, on se demande ce que le personnage de Keanu Reeves fait là… (tout comme l’immense grand guerrier d’ailleurs, pour le coup très anecdotique). Certes il fait le boulot de façon très convaincante (il est même très bien avec ce rôle qui lui va comme un gant), mais l’intégration de son personnage apporte son lot d’invraisemblances si on regarde ce long métrage d’un œil exclusivement puriste.