"47 Ronin", on le sait, a connu une genèse pour le moins difficile : plan de travail et budget pulvérisés, sortie repoussée de plus d’un an… Mais nous, nous attendions sagement, imperturbables malgré tous ces échos inquiétants - le dernier étant à Noël le bide considérable de la sortie américaine. "47 Ronin", rappelons le, est le premier long-métrage de Carl Rinsch, génie de la pub et accessoirement gendre de Ridley Scott. Les studios hollywoodiens ont flairé le prodige, et donné carte blanche : - Faites nous un beau film, on s’occupe du reste ! C’est évidemment le 1er malentendu de cette histoire. Comment un projet aussi ambitieux pouvait-il échapper au conflit d’intérêts ? D’un côté un réalisateur sans autre expérience que celle du format court, habitué à travailler sans contrainte d’argent, rêvant juste de son grand film de sabre, son hommage ultime au cinéma japonais, et de l’autre des producteurs, soucieux de leur investissement et tenants d’un cinéma mainstream. Visuellement, le film souffre de ces bisbilles et des nombreux changements de cap qui ont marqué la production : Une 3D approximative, compilant sans cohérence des images mono et d’autres filmées en relief. Une lumière désinvolte, les mêmes scènes passant allègrement du soleil à l’ombre, comme si elles avaient été tournées dans le désordre – et souvent dans des endroits différents - avec un usage de l’espace absolument aberrant. Des FX enfin, d’une qualité très variable, le meilleur côtoyant le total baclé. On commence à avoir l’habitude de ce cinéma apatride, ces babels exilées dans les pays de l’est où les équipes sont compétentes et les salaires moindres. Mais ce coup-ci, c’est vraiment le pompon : un tournage splitté entre Hongrie et Angleterre, une distribution presque entièrement japonaise, chartérisée d’un décor à l’autre, et le recours au studio comme réponse à tout. Dans le genre, la reconstitution de la forêt de bambous est à se taper sur les cuisses (mais putain, rendez nous "Brigadoon" !). L’autre grand malentendu concerne le casting. Perso, je n’ai pas de problème avec l’idée du sang-mélé, une entorse à la légende des 47 qui a permis aux scénaristes de donner à Keanu Reeves le 1er rôle. Mais sérieux, ça rime à quoi cette histoire de gamin élevé par des démons, dépositaire de pouvoirs magiques qui vont bien-sûr désarmer le récit ! (Avec au passage, une séquence de grotte qui nous vaut les effets spéciaux les plus moches qu’on ait vu depuis longtemps). Non, le malentendu disais-je, tient au jeu de Keanu Reeves. Il croit visiblement qu’Extrème-Orient signifie hiératisme et impassabilité. Alors que ses partenaires, tous ses partenaires japonais, sont eux d’une expressivité remarquable. Ce quiproquo achève de torpiller le film, déjà miné par ses incohérences et son absence de maîtrise. Dans le genre, un must.