Souvent incompris, parfois critiqué pour sa longueur, le Solaris de Tarkovski dans le prolongement de ses critiques inhérentes interroge les limites de l'entendement. Est-il nécessaire de voir une cause première pour admettre que l'homme est un attribut fini ? Encore que, si cette cause n'appartient pas à notre espace, peut-on dire qu'elle nécessite les actions en cela seul qu'elle s'est déjà manifestée ailleurs ? En tourmentant ses explorateurs, Tarkovski illustre en mouvement le texte de Stanislas Lem. Si l'espace de nos sociétés est contingent, c'est donc qu'on peut en modifier la nature. Néanmoins, est-ce que toutes les modifications peuvent se dire judicieuses au moment où les hommes prennent conscience de leur finitude à travers l'exploration de l'univers ? Plutôt qu'une évolution, la conquête de l'espace est un écho à l'étroitesse avérée de l'espace humain, espace souvent mal maîtrisé, à l'image de la Russie qui s'étend nonobstant ses axes. Il ne suffit pas de grandir pour maîtriser, encore faut-il saisir le mécanisme de ce qui nous fait grandir au risque sinon de tomber l'égocentrisme. Le "Je" affirme souvent trop alors qu'il est loin d'être rejoint par l'entendement. Lorsque les idées prennent vie sur la station Solaris, c'est tout un pan ignoré de l'entendement qui se fait jour, simultanément à la conscience d'être assujetti à un être omniscient. De fait, il semble bien qu'il faille se détourner une fois des certitudes si l'on veut tester la fiabilité de notre raisonnement. Et quand le personnage revient sur Terre, il s'effondre de savoir encore moins de vérité que ce qu'il pouvait en supposer naguère. Quelque part, la démarche est cartésienne mais elle se termine en monadologie : les portes et les fenêtres de l'Univers ne montrent qu'un reflet de l'homme dans ce qu'il a de plus inabouti. Dans ces conditions, l'humilité prévaut sur toute tentative de domination. C'était peut-être ça le meilleur des mondes possibles de Leibniz, une conscience d'être-après.
Le "2001" russe, tout simplement, aussi beau visuellement et aussi intéressant intellectuellement parlant que le chef d'oeuvre kubrickien. Je n'aime pas trop le cinéma russe (puriste, je regarde quasiment tout le temps les films dans leur langue originale - avec sous-titres français, bien sûr - et j'ai du mal avec le russe), excepté certains films de Tarkovsky tels que "Stalker", "Le sacrifice"...et, donc, "Solaris". Monumental, mais il faut tenir bon, c'est pas un film d'action du tout !!
Un film brillant aux longueurs hypnotiques et fascinantes. Solaris est un film de science-fiction hors norme, car il s'agit moins de filmer des vaisseaux spatiaux que d'établir une réflexion sur le sens de la vie, sur l'amour perdu et finalement retrouvé, sur les tourments que peuvent provoquer le passé chez l'Homme. Andreï Tarkovski filme le silence ( un peu comme Kubrick avec son 2001: L'Odyssée de l'Espace, bien que les deux films n'aient pas grand chose à voir ), la végétation, les visages en sueurs et la pluie torrentielle. Le personnage de Kris Kelvin est remarquablement bien interprété par Banionis, sobre et imposant. Solaris est en fait le lieu de l'inconscient collectif, l'endroit propice à la réincarnation ou encore celui destiné à offrir à Kelvin la rédemption, ou plus généralement une sorte de transcendanse ( la fin du film est on ne peut plus optimiste ). Ce qui fait la force de Solaris, c'est qu'il propose au lieu d'imposer, qu'il suggère au lieu de démontrer. Ainsi, le film de Tarkovski laisse libre cours à de multiples interprétations. Qui plus est, le prélude de Bach est somptueux et la photographie est très soignée. Un bijou esthétique et philosophique à ne pas manquer...
Ce film est long, très long.Oui il ne se passe pas grand chose, mais tout dans ce film est une question d'ambiance, de non dits.J'avoue avoir eu du mal à regarder le film d'une traite, mais faites l'effort, vous en serez fortement récompensé.
Adapté d'un roman de l'écrivain polonais Stanislas Lem, Solaris est la réponse russe (le film date des années 70 époque encore de guerre froide) face au film de Stanley Kubrick 2001; l'Odyssée de l'ennui...euh... je veux dire de l'espace. Solaris est un film assez complexe malgré son côté hypnotique j'ai moyennement apprécié ce film mais je le trouve plus fascinant que 2001. Il y a une scène assez hermétique ou le réalisateur se contente de filmer pendant un quart d'heure un homme conduisant sa voiture, c'est dans ces moments là ou l'on est content de l'existence de la touche avance rapide.
Lors de sa sortie, «Solaris» apparut simultanément comme la réponse soviétique et comme la contre-proposition de Tarkovski à «2001» de Kubrick. On ne s'en étonnera cependant pas trop, la complicité du parti et du réalisateur n'était que factice. Et là où les camarades attendaient une surenchère dans la course au progrès technologique, l'ami Tarkovski répondit par un «non possum». Alors que «2001» apparaît comme une exaltation de la technologie, «Solaris» la stigmatise en la rendant responsable d'une scission entre l'homme et la nature (cfr scène des bandelettes métalliques sur la station), celle-ci étant tenue par Tarkovski comme le lieu même de l'immanence divine (immanence vécue dans la scène initiale, remémorée dans la scène finale). Rivalisant d'hermétisme avec son concurrent, le film du réalisateur russe offre par ailleurs à la méditation du spectateur un contenu plurithématique, certes mystérieux, mais fort riche, là où le film de Kubrick cultive complaisamment l'énigme creuse. Méditation sur la mémoire, sur la culpabilité, sur l'amour humain (le film comporte l'une des plus émouvantes histoires d'amour qui soient), sur le rapport à la Nature, sur la légitimité morale de la science et des techniques, le film de Tarkovski domine de très haut son concurrent américain, certes pas sur le plan spectaculaire des effets spéciaux qui sont ici purement et simplement méprisés, mais bien quant à sa profondeur réflexive. Le réalisateur russe a le génie de se servir de son malaise visible avec le genre de la science-fiction pour le convertir en un instrument d'exaltation de la Nature et pour inviter à une communion contemplative avec celle-ci. «Solaris» est le comble de la science-fiction et l'une des rares merveilles du genre!