Moon (3.5/5), 2001 : L'odyssée de l'espace, Gravity, Sunshine (4/5) ; autant d'exemples jetés pêle-mêle sans que je prétende ici les comparer en aucune façon, mais qui prouvent en tout cas que le film spatial est un sous-genre de la S-F qui me plaît particulièrement, tant pour ses prouesses techniques que pour ses uniques incursions métaphysiques, qui profitent souvent à fond de l'inconnu, de l'opacité, de l'apparente transcendance que peut représenter l'immensité spatiale. Ici, Andreï Tarkovski délaisse la recherche du spectaculaire (j'en viendrai à la mise en scène plus tard) pour verser à fond dans le film auteuriste à la 2001, à qui il représente en quelque sorte une réponse soviétique, bien qu'au fond, il me paraît déplacé de voir en Solaris un métrage russophile tant il se veut universel dans sa recherche philosophique. Pour en dresser une rapide esquisse, Solaris est une planète nappée d'un océan quasiment pourvu d'une conscience, et même capable de la faire partager... voilà qui est prétexte à une recherche sur la perte amoureuse, sublimée et étayée par plusieurs réflexions ontologiques accessoires. Quoi qu'il en soit, le propos est d'une opacité rarement vue - le film est peut-être l'un des moins accessibles que j'ai vus à ce jour - et on peut sans mal s'agacer de sa tendance à l'étirement, qui m'évoque pourtant quand même quelque part très bien l'impression de distorsion temporelle que l'imaginaire collectif se plait parfois à imaginer dans un voyage spatial. Le film est également sauvé par son hypnotisme, assez déstabilisant et en tout cas totalement accaparant. Les plans sont longs, la caméra peu mobile fait souvent sortir les comédiens du champ, conférant une force apathique paralysante à l'ensemble ainsi qu'une certaine impression de mystère. Dans un genre très différent de 2001, c'est peut-être aussi virtuose. L'ambiance d'étrangeté est renforcée par une grande sélectivité sonore qui génère un monde de sons surprenant, tant ceux-ci sont rares et appuyés quand ils parviennent l'oreille. De plus, la parcimonie dans l'utilisation de la bande-son fait d'autant mieux ressortir les notes du grand J.S. Bach quand elles sont jouées, rendant par exemple la scène d'apesanteur encore plus marquante. Enfin donc dans la forme, Solaris est si fin et si peu commun qu'il se dérobe sans mal au décryptage, et comme dans son scénario, possède une richesse pas loin d'être impénétrable mais parfaitement palpable. Initialement, je pensais noter 2.5/5. Après un jour de réflexion, j'en suis maintenant à me demander si un 4 ne serait pas préférable, tant Solaris est certes exigeant, harassant même, mais tellement riche et unique qu'il en devient sans doute un must. Bref, s'il n'est pas à mettre entre toutes les mains, je suis quand même bien content que Solaris soit tombé entre les miennes.