Il semblerait que l'année 2019 soit, alors qu'on n'a fait que dépasser sa moitié, l'un des pires crus pour les amateurs de films de super-héros; entre désastres artistiques et financiers, elle aura vu l'éclosion du commercial Avengers : Endgame, du médiocre Shazam!, de la débâcle Hellboy, de la chute de Glass l'élu couplée à la sortie retardée d'un X-Men Dark Phoenix annoncé décevant avant même sa sortie.
A l'heure où le public commence à en avoir singulièrement assez de voir les mêmes films faits par les mêmes studios leur picorer chaque année leur pognon dans les mêmes salles de cinéma climatisées, sortait le premier film avec un personnage principal chez Disney/Marvel : Captain Marvel, à la fois concurrente du Wonder Woman de la concurrence et vouée à remplacer l'ancienne équipe des Avengers, notamment le leadership de Captain America.
Basé dans les années 90, ce nouveau Marvel mise donc, à l'instar des Gardiens de la Galaxie, sur la nostalgie de son spectateur : si ses références seront, bien heureusement, dans le fond assez discrètes (suffisamment pour ne pas envahir l'écran et flatter l'égo du spectateur), la reproduction de l'époque s'avère réussie, surtout en terme de rajeunissement d'acteurs; outre un Clark Gregg uniquement présent en Coulson pour marquer un caméo et perpétuer la continuité des Avengers, c'est en terme de lifting numérique de Samuel L. Jackson que le film impressionnera le plus, au point de ne justifier son visionnage que pour cet effet technique véritablement étourdissant.
Une fois revenu à la réalité, on se souviendra de sa longue introduction très mal montée, de son premier entraînement au combat beaucoup trop scénarisé pour que ne revienne pas, façon Broken Arrow, la thématique de l'entraînement au moment d'un véritable affrontement à mort, avec tous les clichés imaginables du dépassement de soi, de la quête initiatique et des révélations de vie, mollement rendu par une Brie Larson monolithique et un Jude Law pas même concerné une minute par son rôle affreusement stéréotypé. Comment lui en vouloir de ne pas donner de relief à un personnage vide et terne?
Vide et terne, deux mots qui représentent, finalement, très bien Captain Marvel : plus le film avance, et plus l'on se rendra compte de l'imposture de l'entreprise, qui sous couvert de reprendre les scenarii classiques des films de science-fiction paranoïaques des années 70 à 90, nous plonge dans une histoire complotiste absurde, où l'action, certes spectaculaire, trouvera ses origines sur Terre, livrant ce que l'on aurait pu considérer, de base, comme un film enfin intimiste, plus proche de ses spectateurs par sa volonté d'éviter les grands combats spatiaux, les problématiques de galaxie.
Il faut avouer qu'Anna Bodek (première réalisatrice du MCU) et Ryan Fleck (duo qui s'est illustré jusque là sur des drames discrets) n'ont pas, chez Disney en tout cas, le talent suffisant pour filmer une tension à échelle humaine; que ce soit dans les scènes de course-poursuite ou, celles plus calmes, de pastiche de paranoïa dans la maison d'une Lashana Lynch sympathique mais trop peu présente (accompagnée d'une jeune actrice proprement insupportable et moralisatrice à l'excès, au point de perdre tout crédibilité de personnage enfantin), les scènes s'enchaînent et se ressemblent sans qu'on ne se sente jamais investi à 100% dans l'expérience, du moins qu'on s'y intéresse un minimum.
Affreusement répétitif, sans âme ni personnalité, Captain Marvel enchaîne les poncifs et les incohérences, multiplie les révélations téléphonées jusqu'à modifier, seul point apporté à l'univers Marvel, l'origine de la relation conflictuelle entre les Skrulls et les Krees. Etait-il cependant possible de faire encore plus stéréotypé que le final rendu, qui s'il décide d'évoquer la géopolitique pour tempérer ses propos, n'en demeure pas moins absolument banal et primaire, sans changer jamais de message et de gentils, entre les méchants cruels et tueurs de gosses, et les gentils maltraités pratiquement capables de se la jouer pacifistes en zone de guerre pour montrer toute la pureté de leur âme.
Des personnages auxquels on peine à s'attacher, si ce n'est à ce Skrull dont on aura connu toutes les étapes du développement personnel, jusqu'à cette conclusion certes prévisible mais qui fait, bien heureusement, toujours un petit effet. Un manque d'empathie envers ses protagonistes principalement du à son écriture à la ramasse, bourrée, comme dit plus haut, d'incohérences et de stéréotypes, qui s'enferme toujours plus dans la volonté de surprendre le spectateur et des messages de pouvoir féminin balancés à la truelle, aussi bourrins que le machisme des anciens James Bond, où il fait bien, il fait progressiste de dire que la femme n'a pas besoin de l'homme, le sourire en coin.
Les hommes étant soit traîtres soit spectateurs, l'on aurait pu avoir une véritable avancée progressiste dans les films de super-héros, un mouvement féministe naissant au sein des blockbusters ultra-calibrés actuels; encore aurait-il fallu, pour y parvenir, être capable d'avancer autre chose que l'indépendance provocatrice de trois femmes peu charismatiques, à des années lumières de ce que George Miller aura pu nous présenter avec son fantastique Mad Max : Fury Road.
En plus de sa veine visée politique à peine effleurée (c'est d'une absence de prise de position flagrante), Captain Marvel navre également par la platitude de sa mise en scène, réduite à un montage bordélique, un filtre d'image grisâtre insupportable et des explosions de couleurs ternes en fin de film, quand viendra forcément un affrontement final spatial décevant, mal filmé, sans aucun relief à trouver, pas même soutenu par une bande-son d'une rare pauvreté.
On se demande, après coup, ce qu'il nous aura apporté : si l'on omet désormais la certitude que Marvel/Disney a besoin d'innover un bon coup pour regagner le capital sympathie de ses débuts, il reste navrant de se dire que le meilleur film Captain Marvel de l'année était rétrospectivement Shazam!, déjà bien médiocre. Vide, plat, fade et banal, Captain Marvel représente ce que Marvel a pu faire de pire avec son MCU, en témoigne la campagne de publicité mensongère sur l'importance d'aller voir cette nouvelle déception afin de mieux comprendre les bases d'Avengers : Endgame. Surement qu'on n'aurait pas compris son inutilité sur un quart d'heure de trois heures de film, sans avoir vu ce Captain Marvel qui ne tente jamais rien, et ne fait que reprendre.