La dernière pièce maîtresse est en place dans le Marvel Cinematic Universe, mais cela n’aura pas été fait dans la plus grande classe. Hormis la comédie dramatique « It's Kind of a Funny Story », le duo de réalisateurs Anna Boden et Ryan Fleck ne transcende pas les écrans et cela se confirme avec ce dernier tremplin hollywoodien. L’enjeu est pourtant immense, mais à l’arrivée il n’y a que le prochain rendez-vous Avengers en tête. L’origin story qui nous est proposée est avant tout un hommage et cela empiète énormément sur l’équilibre du récit. Et plus que cela, le film repose sur une idéologie qui fragilise la consistance scénaristique. On le comprendra très rapidement, le film repose sur des bases classiques et prévisibles. Notons également que la bonne humeur est au rendez-vous, mais le timing ne l’est pas vraiment. Faute de quoi, un certain animal émiettera tout ce qu’il a de plus mignon pour déconnecter le spectateur du fil rouge, déjà bien maigre.
Le manque de profondeur y est pour beaucoup, mais cela découle indirectement ou directement de la position féministe de l’œuvre. Subtiles et bien noyées par moment, les références méritent un hochement de tête, mais la plupart du temps, on finit par les compter et à désespérer de cette démarche. Peut-être bien que les jeunes filles puissent mieux s’identifier avec ce modèle supplémentaire, mais le personnage en lui-même n’est pas forcément le meilleur exemple à suivre. Ce n’est pas une surprise chez l’écurie Marvel, qui a pris son temps avant de rattraper son retard sur DC Comics. Mais à l’inverse de son concurrent direct, celui-ci emprunte des raccourcis laborieux. Il en résulte un film plat et impersonnel, à l’image d’une Carol Danvers qui peine à générer du charisme ou bien de l’émotion. Pourtant, Brie Larson peut atteindre le sommet dans son jeu et elle parvient à effleurer un parfum de personnalité, or elle ne constitue plus qu’un outil, standardisé pour les spectateurs impatients. Si son aventure solo laissait à désirer, il y avait une bonne raison pour l’introduire aux côtés de Nick Fury. On s’enferme ainsi dans un buddy-movie inattendu, mais pas inadéquat. Cela fait tranquillement progresser l’intrigue, cela divertit, mais cela n’ira jamais plus loin que les enchaînements de clins d’œil. Au passage, le rajeunissement de Samuel L. Jackson est d’un bluff stupéfiant, qui vaut bien le détour.
Par ailleurs, le film abuse de flash-backs, déstructurant ainsi sa narration pour garder le spectateur en haleine. Or, en multipliant les allers et retours, on finit par l’en lasser ou bien par s’habituer à la formule qui a déjà presque tout dévoilé dès le premier contact. On sous-exploite ainsi Yon-Rogg (Jude Law), la Starforce et surtout la culture de la civilisation Kree, là où l’éducation de Vers aurait pu susciter un intérêt particulier dans l’extension de l’univers. Hélas, nous ne restons pas raccord avec les précédents épisodes qui les ont introduits et on en apprendrait bien plus dans la série parallèle « Marvel’s Agent of S.H.I.E.L.D. ». Toutefois, ce qui réconforte, c’est le skrull Talos (Ben Mendelsohn), un personnage méticuleux et qui a l’ambition d’être un facteur décisif dans le dénouement du récit. Outre le message anti migratoire qui l’accompagne, il reste encore de l’espoir dans l’écriture des opposants des héros, là où les nuances sont les bienvenues.
L’ADN de l’héroïne n’y est donc pas. Nous aurions beau décortiquer les traits de son passé, il n’y aura que des fragments intensifs pour éveiller notre curiosité. Au lieu de cela, le film passe à côté de l’essentiel, développer son personnage principal dans le mental. Il s’avère ainsi qu’elle n’aura pas évolué d’un poil, malgré l’amnésie qu’elle finit évidemment par vaincre. À aucun moment elle n’aura été en difficulté, comme pour la plupart des personnages qui l’entourent et pour qui on ressent une détresse. La quantification de sa puissance fait donc peur à voir lorsque les possibilités scénaristiques sont aussi grandes. « Captain Marvel » tente malgré elle de s’émanciper des réalisations machos, mais ne prend pas le temps d’apposer sa signature. Globalement, tout est survolé, même dans l’exposition de l’époque 90s, pour atteindre un résultat à peine excusable et divertissant, là où de nombreux épisodes de transition du MCU avaient au moins réussi à manier l’art du pugilat et l’art de la pyrotechnie. Cette dernière ne peut camper solidement sur aucun de ces piliers qui font le cœur d’un personnage en quête identitaire, à la fois imprévisible, fragile et sensible. Venue comme un futur leader en devenir, il y a quelques craintes à avoir sur ses motivations et ses méthodes, mais l’alchimie prend immédiatement en la faisant interagir avec d’autres têtes d’affiche, alors attendons encore un peu avant de nous prononcer sur son sort.