Attention, ici on passe un cran au dessus. Avec une précision inspirée et plastique, Edward YANG compose une construction presque abstraite, sophistiquée en tout cas, mais jamais froide (tout juste vêtus, t-shirt en coton à manches courtes, caleçon, fenêtres ouvertes, voiles qui se soulèvent) joue avec les angles des immeubles modernes en verre, des réseaux urbains de circulations, des appartements, les séparations nettes, distribue les cartes avec une adresse tranchante, à nous de les saisir, de recomposer l'image diffractée pour se recomposer un jeu. C'est un peu comme rester subjugué devant le plan graphique d'une ville inconnue dans laquelle vous seriez jeté sans prévenir, fasciné par ses structures portantes, la beauté de sa complexité. C'est entendu : une carte n'est pas le territoire... rien n'empêche de jouer avec les légendes, les échelles, les fantasmes, les représentations, les fragments redécoupés, rapprochés, recollés... Informations délivrées une à une, successives, cadrées ; des images, des sons, un coup de fil, un coup de feu, un corps face contre terre, à même la rue, sur le bitume. Des policiers qui déboulent. Là le jeune photographe shoote une jeune fille aux cheveux courts qui se sauve par la fenêtre ; ce couple où la communication coince, tombe invariablement sur un os : d'un côté le petit médecin hospitalier qui convoite le poste de chef de service et sa femme, écrivailleuse frustrée, dont la parole fuite, dérive entre fiction et réalité. Vous tentez de relier, rapprocher, renouer, et peu à peu l'image semble se reconstituer... Et c'est là que vous vous rendez compte qu'il y a en fait peut-être des dimensions supplémentaires, voilées... que les récits ont peut-être été fondus, déformés, la réalité infiltrée, contaminée... insaisissable fétiche...