Comme De Palma, et encore plus que De Palma, Carax, ce cas X inclassé, fait partie de ceux qu'on ne, que je ne critiquerai jamais. Commencé par le "je suis venu te dire que je m'en vais" new wave de Jo Lemaire, "Boy meets girl" est l'histoire d'une rencontre amoureuse, l'histoire du cinéma, de la littérature, d'une chanson, de ce qu'on veut, de Godard à Reggiani, c'est la vie et l'art. Et quel art, celui de Carax, entamé par ce film : entêtant et personnel - son territoire, son Paris, son Pont neuf -, un art qui ne s'excuse pas d'exister, qui parle, parle, déclame du Rimbaud, du Char, du Ferré, du Carax dans un noir et blanc garrélien d'une mélancolie déchirante tant l'art et le cinéma ne cessent de rappeler l'impossibilité de l'amour dans ce monde moderne. Désillusion, déchirure, dans mon coeur, le tien et celui d'Eustache qui donne au cinéma de Carax ce sentiment d'urgence, cette course à la mort vers l'art, le sang et la fin. On ne meurt pas vieux chez Carax, on se frôle à peine qu'on s'envole comme Binoche dans Rouge Sang, en accéléré sur le tarmac, comme Ian Curtis aussi et surtout. Car le cinéma de Léos Carax, qui n'a pas pas d'avenir, est avant tout punk, c'est l'histoire des années 80 et d'une génération fascinée par Godard et biberonnée à Joy Division, New Order, Orchestral Maneuvre in the dark, pleine de désillusion et avide d'amour. Boy meet girl, un garçon et une fille, un regard, un ciseau dans le coeur.