Je suis surpris de voir avec quelle sévérité on juge ce film. Je veux dire, ne pas aimer ou ne pas comprendre ou dire que ce n'est pas "nouveau" ça ne suffit pas pour ma part. Beaucoup prennent quelques critères de bases et jugent un film: c'est nul, passez, ne perdez pas votre temps, j'ai lu aussi "dénué de tout talent". On est là pour critiquer, on est pas ici pour descendre le travail du réalisateur, du scénariste et de toute l'équipe qui y a travailler. Une critique est construite et un minimum justifiée.
Pour moi ce film frôle le chef d'œuvre dans le genre. C'est une histoire finement menée avec une très belle réalisation. Un effort terrible sur l'image, la bande son et un super jeu d'acteur. S'il est vrai que transformer des enfants en monstres est facile d'un point de vue diégétique, il est à mon avis extrêmement difficile d'obtenir un rendu aussi naturel avec de si jeunes enfants. Du début à la fin il y a des rappels entre les différents temps du film. Comme si les accidents étaient déjà prévus, inscrivants un sorte de fatalité des événements ( fatalité inscrite dans le cinéma même. Il ne peut se passer que ce qui est écrit )
Il y a pas mal de prédécesseurs de ce genre cependant on a là un scénario aux allures classiques qui montre de belles surprises:
Une intrigue inattendue et finement menée. Ce film était un pur moment de stresse, d'angoisse. Je l'ai regardé deux fois de suite pour être sur de bien le cerner. La première fois, quelque chose nous échappe. Le film ne prend pas ces racines dans ce qui est donné à voir. Il commence bien avant. On sent qu'il prend ses racines dans un passé commun aux personnages que nous, spectateurs, ignorons.
C'est un scénario que certains critiques ont dit "perfectibles" mais en réalité, Shankland ne laisse absolument rien au hasard. Si quelques passages semblent manquer de cohérence c'est parce qu'il nous manque des éléments du passé commun qui sont à mon avis bel et bien ancré dans le film, éparpillé dans quelques dialogues rapides:
Le vaccin dont parle Chloé à Hélène, L'IVG ratée dont parle Casey à son oncle, au début du film. Shankland tisse deux problème: un vaccin qui ne fait pas l'unanimité et un lourd passé familiale: un IVG raté...
L'état des enfants est à la fois un mal dû à un soit disant virus mais le réalisateur fait vite le lien entre le virus et une situation familiale quelque peu étrange.
On voit une tâche noire sur l'oreiller de Léa et la caméra se rapproche de celle ci lentement. Puis on a un cut sur une "vision microscope" on va dire de ce qu'est la tache puis cut sur une boule en cristal avec la neige qui tombe et une maison. Le réalisateur crée le lien en trois plans avec la tâche noire, la "vision microscope de cette tâche" et la boule. Les deux derniers étant mis en relation par l'agitation: les bactéries qui bougent et la neige à l'intérieur de la boule. Il ne s'agit pas d'un plan coupe anodin.
Shankland nous montre que le mal vient sans doute d'un virus. Cependant, ce mal qui touche les enfants pourrait aussi venir du au cadre familial assez ... lourd.
Durant la séquence de déjeuner, les parents parlent de leur métier, du passé en général et ne nous donne aucune informations réelles sur ce qu'ils faisaient. On sent qu'il s'est passé quelque chose, qu'il nous manque un élément.
Tom Shankland laisse son spectateur dans un doute complet.
Entre virus, malaise familial et un passé que les personnages semblent vouloir oublier on peut se demander si la folie des enfants ne vient pas d'une vérité cachée qu'inconsciemment ils ont compris.
Est ce que ce virus ne manifeste pas en eux une illumination qui les dépasse ? N'est ce pas quelque part ce virus qui dévoile la vérité ? Et le seul moyen de se débarrasser d'une vérité gênante, incomprise par ces êtres innocents (mais une vérité qui les obsède) serait d'éliminer les facteurs de cette horrible réalité: les parents. Cela serait pour les enfants la logique la plus évidente. Ils n'agissent pas en criminel mais en "justicier":
l'IVG ratée, des parents qui s'occupent plus de leur couple que de leurs enfants, des parents qui font des préférences par rapport à leur enfants et peut être un lourd secret connu de deux personnes: pourquoi Hélène a voulu avorter de sa fille ? Tout cela peut être interprété comme des "crimes". Alors
les enfants punissent les parents pour leurs fautes. Fautes véritables, qu'ils choisissent de faire.
Et juste comme ça: Ne serait-ce pas possible que Casey soit la fille de Hélène et Robbie ? Faites attention à la manière dont Hélène regarde les deux personnages jouer dans la neige lorsqu'elle aide sa soeur dans la cuisine et également la réaction de l'oncle après le déjeuner lorsque lui et Casey sont à l'extérieur pour s'occuper des enfants. Aussi, pourquoi choisir de faire un IVG ? Il ne s'agit pas de défaut de scénario a mon avis. Il est tout simplement libre à nous de le voir comme on le veut.
Peut être que Tom Shankland nous laisse tout simplement le choix ou non d'entrer entièrement dans un univers déjanté. Sommes nous capable de chercher la vérité enfouit au delà du film ?
The Children mérite une réelle réflexion sur les intentions artistiques, esthétiques et scénaristiques. Tom Shankland nous amène à nous poser des questions auxquelles on trouve difficilement des réponses, nous plaçant comme un de ses acteurs face à ce déluge qu'on ne comprend pas.
Milles interprétations sont possibles face à l'excellente intrigue de ce film au scénario plus complexe qu'on le pense d'un premier abord. On ne sait pas vraiment quoi penser. Il nous enferme dans une spirale sans fin qui nous prend aux tripes. Avec un final qui nous prévient: ce n'est pas fini. Qui accentue pour ma part l'idée d'une punition, d'une vengeance.
A voir et à revoir pour ma part.