« Sous couvert de comédie, ce film se révèle être une caricature désagréable, fausse et humiliante sur la communauté Gay. » Voilà en gros ce que je peux lire ici ou là chez ceux qui n’admettent pas que l’on puisse rire de tout. Oh ! Il faut replacer le film dans son contexte ! On est dans les années 90. Ce qui peut paraître caricatural aujourd’hui ne l’était pas au moment du film. Il n’y a pas lieu de s’indigner de crier au scandale en proférant « Heureusement, on ne ferait plus de film comme ça de nos jours ». Justement, c’est bien malheureux ! Il y en a assez de s’auto-censurer, assez des précautions de langage, assez de se retenir pour ne pas froisser les différentes communautés et autres associations contre le racisme, la discrimination et j’en passe. Comme « Charlie Hebdo », je revendique le droit à blasphémer, à bousculer les conventions et traditions, à caricaturer, et à rire de tout sans ménagement. « Pédale douce » est une comédie sympathique, qui en rien ne se moque, qui en rien humilie la communauté Gay ; elle s’amuse des clichés et comparé à « La cage aux folles » par exemple, « Pédale douce » s’en amuse sans aucune exagération. Et quand bien même, c’est une comédie, et comme toute comédie, on a le droit de grossir le trait. Et franchement, à part Adrien interprété par Patrick Timsit qui surjoue par moments, le rôle de Jacques Gamblin m’a paru très réaliste et touchant. Et pour faire partie d’une compagnie de théâtre et pour avoir joué au festival Off d’Avignon, je peux vous assurer que des personnages comme Adrien n’ont rien d’irréalistes ! Alors on se calme, inutile de s’indigner. « Pédale douce », mine de rien aborde des sujets aussi délicats que l’homosexualité dans le monde de l’entreprise, la discrimnation et effleure le sida, j’en conviens vers la fin. Au-delà de s’amuser, la comédie permet aussi de prendre conscience des difficultés de notre société sans brusquerie. Une société du passé. C’est vrai, « Pédale douce » est une comédie qui a un peu vieilli car la société a évolué. Mais si évoluer signifie crier au scandale pour ce film avec un regard d’aujourd’hui je n’appelle pas ça évoluer. Si on accepte le contexte, si on lâche prise, « Pédale douce » est une comédie tout à fait respectable et respectueuse. Ce n’est pas la comédie qui est une couverture pour soi-disant excuser les écarts de langage, c’est le fameux principe de précaution qui est une couverture hypocrite. On n’appelle plus un chat un chat, une chatte une chatte (voir le groupe Les Coquettes). On contourne des mots pour donner une autre réalité aux choses dans le but d’éviter de froisser les susceptibilités. On n’accepte plus la dérision, l’auto-dérision. L’auto-dérision ce n’est pas seulement accepter de rire de soi, c’est aussi accepter de rire de son monde, de rire de sa communauté, quelle qu’elle soit. Plus on avance dans le temps, plus on améliore notre société. Et tout ce qui a été vécu hier ne paraît plus acceptable. C’est très bien . Mais que cela ne nous empêche pas de rire de tout même de ce que l’on défend ; que l’on ne s’indigne pas en revoyant un ancien film qui caricaturerait grossièrement un personnage ou une communauté. Il faut savoir prendre du recul et ne jamais oublier le contexte. Dernièrement j’ai revu « Banzaï » de Claude Zidi. Non seulement le film a vieilli, non seulement la mise en scène est médiocre, mais le discours raciste envers les Arabes est grossièrement appuyé. Un panier garni de lourdeur. Aujourd’hui en effet, on ne ferait plus « Banzaï » (« OSS 117 : Rio ne répond plus » est politiquement incorrect, doux euphémisme pour ne pas dire : propos racistes ! Ah la fameuse précaution de langage. Et pourtant, c'est une bonne comédie). En deux séquences Coluche énonce des clichés qui font frémir aujourd’hui. « Banzaï » reflète une humeur du moment, un état d’esprit. Sans doute malheureux, j’en conviens, mais il me semble exagéré voire dangereux de condamner le film « Banzaï » avec un un regard de 2020. Si les propos tenus par le personnage de Coluche peuvent choquer (et choquer dès sa sortie), ils m’amusent car « Banzaï » joue avec les idées reçues tenues par des racistes convaincus. En riant, nous ajoutons des rires aux rires des racistes ; nous sommes complices ou à défaut, durant ce laps de temps qu’est le rire, nous semblons mêler nos rires à ceux des rires racistes. Mais les racistes, les homophobes sont des personnes à l’esprit étroit, incapables de tout discernement. Coluche et Claude Zidi ne sont pas racistes et ne profitent pas de la comédie pour adoucir des propos inacceptables. Coluche disait : « Ce serait raciste de penser que les étrangers n’ont pas le droit d’être c*** » ou « Si on ne peut pas se moquer des Arabes, c’est vraiment des Arabes. A partir du moment où on peut se moquer d’eux comme des c*** ordinaires, à ce moment, il n’y a plus de racisme.» Il en est de même pour « Pédale douce », il suffit de remplacer « Arabe » par « homo ». Fanny Ardant en Eva a mérité son César et « Pédale douce » a mérité son succès. Si l’ennui m’a parfois gagné, il y a quelques lignes de dialogues percutantes, pas toujours élégantes mais j’apprécie ce côté trash assumé. Franchement, la société a-t-elle vraiment évolué ? Les témoignages tenus contre ceux qui manifestaient contre le mariage pour tous étaient nauséabonds, infects, inadmissibles. Les maires qui refusaient d’appliquer la loi sont débectants. La violence gratuite faite à la communauté LGBT est révoltante. Alors, mieux vaut s'indigner avec virulence contre la violence gratuite faite (encore aujourd’hui) à la communauté LGBT plutôt contre un film inoffensif et qui doit être pris pour ce qu’il est : une comédie. Si le film ne m’a pas si enthousiasmé que ça, je rajouterai une étoile pour le droit au blasphème si tant est « Pédale douce » blasphème la communauté Gay.