"World War Z"… ou un exemple rare de production chaotique pouvant aboutir à un film tout à fait réussi. On aura beaucoup entendu parlé des désaccords artistiques entre la réalisateur Marc Foster et sa star Brad Pitt, du remontage en catastrophe du film ou encore du respect très relatif du livre de Max Brooks. Pour autant, une fois accepté le fait qu’on s’éloigne du schéma narratif et temporel adopté par le roman, il faut reconnaître que le film ne porte pas les stigmates de son tournage difficile… et qu’il parvient à surprendre par sa manière de traiter son sujet, qui évite bien des clichés. Tout d’abord, le héros (campé par un Brad Pitt impeccable) n’est pas un boy-scout toujours prêt à sauver le monde mais un père de famille qui veut rester loin de l’invasion avec sa famille et qui va se retrouver forcé à retourner sur le terrain à cause d’un terrible chantage. Ce brave Gerry agit, d’ailleurs, de façon bien plus humaine (et donc réaliste) que les héros habituels de ce genre de productions, toujours prompts à dégommer du zombie sans crainte avec une petite vanne en prime. Le scénario essaie, autant que possible, de surprendre le spectateur (une solution de repli pour les survivants est rapidement trouvée, le scientifique censé sauver le monde disparaît très vite, les trahisons ne sont pas à exclure…) ce qui est plutôt plaisant. La direction prise par l’intrigue est, également, inhabituelle car on ne se trouve pas tant devant un survival que devant une enquête pour déterminer les origines du Mal afin de l’éradiquer. Ce choix scénaristique (presque ludique) n’est pas sans conséquence sur le ton du film… et il faut bien admettre qu’on est loin de la richesse scénaristique que nous réserve la série "Walking Dead", actuelle référence du genre. Car, et c’est le défaut principal de "World War Z", les producteurs ont décidé de faire un film abordable afin de ne pas limiter le public dans les salles… ce qui parait pourtant inenvisageable pour un film de zombies ! Dès lors, on ne s’étonnera pas que les seconds rôles (de James Badge Dale à Peter Capaldi en passant par Pierfrancisco Favino ou David Morse), malgré leur potentiel, apparaissent et disparaissent très vite comme autant de personnages fongibles auxquels on n’a pas le temps de s’attacher. Doit-on y voir la volonté du producteur Brad Pitt de ne pas être éclipsé ou la volonté des scénaristes de ne pas parasiter l’enquête par des personnages trop intéressants ? Difficile à dire. Plus grave, le film est très light en matière d’hémoglobine, d’entrailles dévorés et autres mises à morts gore, pourtant indispensables dans ce genre de productions (voir les films de Romero, "L’Armée des mort" ou encore "28 jours plus tard"). Certes, Foster tente de compenser ce cahier des charges "tout public ou presque" par des séquences de pure tension, à commencer par les scènes d’attaques gigantesques (même si des telles scènes sont moins impressionnantes à l’heure des effets spéciaux numériques et des blockbusters toujours plus explosifs), ses morts-vivants déchaînés (ce qui tranche avec la tradition) et, surtout, par une première demi-heure d’une tension redoutable, magnifié par la BO de Marco Beltrami. Paradoxalement, le film souffre, au final de cette première demi-heure si efficace et si riche en promesses puisque l’intensité retombe rapidement d’un cran avec le tour du monde du héros qui dilue considérablement l’oppression qui n’avait pas lâché le spectateur jusque-là. Quoi qu’il en soit, aussi efficaces soient-elles, ces séquences de tension ne suffisent pas à faire oublier le traitement hyper-aseptisé de ce "World War Z", qui restera comme le point noir du film. Pour autant, le scénario n’ayant exploité qu’une petite partie du roman, je suis curieux de voir ce que nous réservent les suites d’ores et déjà prévues. Car, malgré ses quelques défauts, "World War Z" est un film efficace, sachant se montrer surprenant et, chose rare, qui a fait le choix de ne pas se conclure par un final grandiloquent pour, au contraire, faire dans la subtilité. Ca fait tout de même beaucoup de qualité pour un film qui aurait dû être un désastre.