Habitué des films d'époques biographiques, qui compose 80% de sa filmographie, Tom Hooper n'a clairement pas l'intention de sortir de sa zone de confort avec son nouveau film. 4 ans après avoir raté son adaptation musicale des Misérables, il s’attelle à raconter le parcours de la première femme transgenre durant les années 30. Une histoire nécessaire mais qui peut s'avérer risquer dans son traitement surtout que Hooper n'est pas connu pour sa finesse et son originalité et que le film sent beaucoup trop l'académisme et le pathos. Alors The Danish Girl est-il le film calibré pour les Oscars qu'il semble être ou parvient-il à être une oeuvre originale capable de rendre un hommage juste et touchant à cette histoire ?
Le scénario fera tout d'abord le choix de la simplicité et de la simplification. Se concentrant sur la vie du personnage avec ses opérations, ici réduite à 2 alors qu'elle en a en réalité subit 5, le récit joue la carte du parcours difficile pour comprendre le "mal" qui ronge Lili à travers l'exploration de sa relation avec sa femme ainsi que des difficultés du quotidien. L'approche se fait donc instantanément classique même si se concentrer sur ça était nécessaire, en faire quasiment l'intégralité du film devient assez vite contre-productif, le parcours du personnage n'avançant pas et les scènes finissant par se répétés. Lorsque enfin le personnage est en paix avec elle-même, on en est au dernier acte du film, ce qui empêche ce dernier de se concentrer sur le transgendérisme du personnage. On a le sentiment que l'ensemble ne va pas au bout de son sujet et peine à vraiment l'approfondir comme si le récit en lui-même préférait se pencher sur une cause plutôt que sur l'individu, ce qui fait que l'on parle plus de l'oppression de la société pour ceux qui ont une identité sexuelle jugée hors de la norme. Cette approche peut s'avérer louable mais c'est au final le personnage et son histoire qui en souffre car on ressent l'impression que l'on nous as déjà raconté son parcours.
Surtout que l'ensemble manque cruellement de subtilité dans son propos, le récit appuyant avec beaucoup trop de lourdeur ses effets tombant souvent dans la facilité du pathos et du misérabilisme, utilisant souvent la caricature dans l'exposition de ses personnages. A l'image de l'ami d'enfance de Lili, Hans, qui est la représentation du mâle alpha, à la fois imposant et mystérieux, qui n'a que pour but de souligner la frustration sexuelle de Gerda, la femme de Lili. Au final, le film va même beaucoup plus s'intéresser à elle dans la deuxième partie de son récit, pour parler de la difficulté engendré par le "réveil" de Lili au sein de son couple et de sa vie. On s'intéressera beaucoup plus à ses sacrifices à elle, et même si cela permet de prendre en compte les deux points de vues et de souligner l'égoïsme et l'incompréhension des deux personnages à leurs propres situations, ça a aussi tendance à amoindrir leurs impacts. Surtout que comme pour le reste, ce n'est pas exécuté avec la plus grande des subtilités. Néanmoins l'approche médicale quand Lili cherche à comprendre sa condition dispose d'une certaine ironie qui souligne bien le problème de la profession car celle-ci transcende l'époque pour trouver encore sens aujourd'hui. Malgré leurs savoirs, les médecins ne comprennent pas tout mais par orgueil préfèrent s'enfoncer dans leurs incompréhensions plutôt d'admettre qu'ils ont tort, ce qui pour eux est plus important que d'aider le patient. Un problème qui persiste encore à l'heure actuelles dans beaucoup de cas. Il est juste dommage que cette approche soit juste sommaire et que le film ne s'y intéresse pas plus, même si cela engendre une certaine pudeur, ça fait aussi que le récit ne s'intéresse pas plus à la période post opération et qu'il expédie un peu trop vite sa fin dans une scène finale mal écrite et terriblement niaise.
Le casting se montre globalement bon, mais il est dommage que celui qui n'arrive pas à convaincre soit celui qui incarne le personnage principal. Eddie Redmayne est un mauvais acteur qui fait illusion avec un jeu de façade qui joue sur les mimiques extravagantes pour cacher un travail psychologique et d'interprétation inexistant. On peut voir ça à ses yeux qui sont généralement vides et inexpressifs, ici il ne s'améliore pas, loin de là même. Il base sa performance sur des stéréotypes, il n'incarne pas une femme transgenre, il ne fait qu'imiter un homme qui se ferait passer pour une femme, insistant sur des minauderies et des moues qui consiste à se mordre les lèvres. Il n'est jamais convaincant mais est contrebalancé par l'interprétation parfaite d'Alicia Vikander. Elle est son exact opposé, les deux ne partagent d'ailleurs aucune alchimie, signant une performance habité et poignante, n'en faisant jamais trop et se montrant d'une justesse incroyable. Pour ce rôle, elle mérite amplement un Oscar surtout qu'elle prouve être une des plus grandes actrices de sa génération qui plus que son talent, souligne aussi une présence imposante et un charisme flamboyant. On notera aussi la présence de Matthias Schoenaerts et de Ben Whishaw dans des rôles assez discrets, ou les deux acteurs brillent par leurs sobriétés.
Pour ce qui est de la réalisation, on ne peut pas faire plus académique. Le montage est linéaire et très didactique, la photographie souvent terne malgré une ou deux fulgurances tandis que la musique d'Alexandre Desplat manque d'inspirations et accentue le pathos du film même si on a connu plus agaçant dans le genre. Tout cela ne fait qu'accompagner la platitude de la mise en scène de Tom Hooper qui ne dispose d'aucune idées et se contente de n'être que purement fonctionnelle. La reconstitution d'époque est plutôt appréciable, c'est un domaine dans lequel excelle Hooper, mais au delà de ça on reste dans une maîtrise formelle indéniable mais calibré qui ne tente aucune touche d'originalité. L'aspect visuel étant donc similaire à toute les autres productions faites pour les Oscars faisant de l'ensemble un film limité et en manque totale de subtilité.
En conclusion The Danish Girl est un film tout juste moyen qui peine à rendre hommage à son sujet et qui s'embourbe dans un pathos et un manque de finesse flagrant qui vient très vite le limité. On est dans un produit calibré pour plaire aux cérémonies et à un certain public mais qui en rebutera beaucoup par son académisme envahissant et sans inventivité. Néanmoins, même si certains choix sont discutables, comme avoir confié le premier rôle à Eddie Redmayne, on ne peut nier que l'ensemble est quand même fait avec soin, une certaine maîtrise se dégage du film et certaines intentions sont vraiment louables et exécutées correctement. Après le film reste limité par un nombre conséquent de défauts mais il n'est pas aussi détestable que l'on pourrait l'imaginer, surtout qu'il s'appuie vraiment sur la formidable interprétation d'Alicia Vikander qui parvient clairement à sauver les meubles et apporter un véritable intérêt.