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Ewen Blake
154 abonnés
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4,5
Publiée le 24 décembre 2022
Infrarouge : Détenus / victimes une rencontre (30/04 sur France 2). Un documentaire sur la "justice restauratrice". Un espace de parole, un dialogue entre des victimes et détenus dont les histoires se font échos. Ils viennent avec leur vérité parfois difficile à entendre. La violence est absolue, immédiate devant les histoires de chacun qui se dévoilent. L'intimité poignante qui se crée à quelque chose d'obscène et l'émotion est totale à l'écoute des voix qui tremblent en dévoilant leur vies brisées. Le dénuement des victimes face à des situations auxquelles on ne peut être préparées est terriblement touchant. On se surprend à l'empathie avec les victimes mais également avec les agresseurs en découvrant leur humanité. Ce sont des êtres humains comme les autres, des monsieur tout le monde qui ont dérapé. Les 3 condamnés sont uniques avec leur personnalité propre et ne sont pas réduits aux clichés du méchant dont on nous abreuve dans les films et JT. Et même si ce qu'ils ont fait "dégoutte" et inspire la "répulsion" on les découvre finalement pas si différents de nous. On prend conscience du travail réalisé en amont, ce qui explique aussi leur impressionnante capacité à verbaliser et à mettre de la distance face à des actes survenus pour certains il y a plus de 10ans. Difficile de ne pas ressentir un malaise à l'écoute de leur récit prononcé avec un détachement choquant. On aimerait ressentir de leur part une culpabilité, une responsabilité douloureuse à chacune de leur phrase, ce que n'obtiendront pas les victimes. Au fil des séances, elles réalisent des cheminements différents dans le processus du pardon. Pour certains l'épreuve est trop dure notamment car se dessine en creux un fossé entre classes sociales qui, plus que l'acte en lui-même, rendent étranger l'un à l'autre, la victime et l’agresseur : "Comment deux êtres humains, pour de l'argent peuvent tout détruire". Cette phrase est symbolique car le home-jacking avec séquestration décrit peut sembler très "soft" à ceux qui ont vécu la misère, la privation. Comment la bourge peut comprendre, se mettre à la place du condamné lorsqu'elle même n'a pas vécu la violence de vivre pauvre ? D'autant qu'elle ne le veut pas "Je veux garder la distance entre eux et moi". Il est difficile de s'avouer qu'on est plus proche qu'on ne le pensait d'une personne capable de tels actes. Du coté des détenus on entend justement que "je ne suis pas qu'un acte même si tout me ramène à ce moment". Mais la douleur des condamnés est inaudible dans cet échange "C'est vous qui êtes en prison ce n'est pas moi". Et pour cause les condamnés semblent se déresponsabiliser, heurtent et blessent les victimes par leurs mots "[Lors du meurtre] Ce n'est pas ma femme en face de moi c'est un objet". Ils démontrent eux aussi (pour certains) une incapacité à se mettre à la place de leurs victimes et leur entourage. Et c'est sans compter les mots déplacés, maladroits qu'on devine coupé au montage. Au final c'est un reportage passionnant et bouleversant sur une thérapie qui traduit une mutation profonde de la justice qui quitte son rôle de punition et surveillance pour chercher à reconstruire du lien social dans le but de diminuer la récidive. A l'heure du bilan on est convaincu comme Stéphanie que "On s’est tous aidés dans cette démarche" (même si il semble que les condamnés aient pu profiter davantage que les victimes) : le visage des participants en première et dernière séance en étant une preuve frappante.