En soit, le remake ce n’est jamais une mauvaise chose. A vrai dire, c’est même un procédé assez intéressant, puisque cela permet de redécouvrir une oeuvre avec la vision d’un autre réalisateur. Néanmoins, c’est sans doute un des exercices les plus difficiles au cinéma, puisque toute la difficulté c’est de réussir à renouveler l’oeuvre, afin de lui donner un intérêt nouveau pour les spectateurs ayant déjà vu l’originale, sans pour autant la renier, ou la bafouer. Et visiblement, ce concept là du remake est totalement absent de l’esprit de Spike Lee, car ce remake précisément, c’est ni plus ni moins qu’un véritable massacre du chef d’oeuvre de Park Chan-wook, même plus que cela, c’est carrément un viol. Tout ce qui faisait le charme du premier est absent ici, tout comme le côté immoral et cruel. D’une sordide et violente histoire de vengeance, on passe à une série B fade et grotesque qui semble inspirée d’une édition du magasine Détective, alors que l’histoire est pourtant la même. Mais voilà, ce cher Spike Lee, qui en plus de ça se permet de donner des leçons de cinéma durant ses interventions en rapport avec l’actualité cinématographique, toujours pertinentes et intelligentes (ironie inside), a tout simplement simplifié au maximum le film, zappant tous les détails qui faisaient du vrai Old Boy une oeuvre complète et aboutie. Rien n’est développé, à commencer par le personnage principal, campé par un Josh Brolin pas très inspiré, réduit à un simple père de famille dont la seule motivation est de retrouver sa fille chérie, oubliant sa soif effrénée de vengeance, soit la base de ce qui faisait tout le côté subversif du film de Park Chan-Wook. Mais aussi toute l’intrigue, qui est amputée de presque vingt minutes, dont la radicalité qui en découle ne fait que plomber et minimiser l’impact que le film aurait du avoir. De plus, si le film reste assez violent (et encore, dans sa seule scène vraiment intéressante on nous sert des effets numériques foireux), jamais il ne devient dérangeant, ou vraiment choquant. Mais le pire, du pire, du pire, c’est la fin. Car si Old Boy était mémorable, c’était bien grâce à son enchaînement de retournements de situations, et surtout grâce à son redoutable twist final, glaçant, et que beaucoup d’entre nous on sans doute encore en tête. Si le principe et l’idée ont été conservées, tout à été modifié, et pas dans le bon sens de la chose, en commençant par les motivations du méchant, complètement ridiculisé en un espèce de clown névrosé et efféminé, pour finir sur une morale bien pensante quant au sort final du héros, lissé au possible, devenu presque inoffensif. D’ailleurs inoffensif est le mot le plus approprié pour qualifier le film de Spike Lee en fin de compte. Y’a-t-il quelque chose que l’on pourrait sauver là-dedans? On aimerait bien, mais même son incroyable casting ne parvient pas à convaincre tant il est sous-exploité. Entre un Samuel L. Jackson cartoonisé (sûrement dans une vaine tentative de coller un peu au manga d’origine), et une Elizabeth Olsen qui ne laissera comme empreinte sur le film que sa poitrine et son regard délicieusement envoûtant, autant dire que voir tout ce beau monde s’enfoncer dans un tel Capharnaüm fait peine à voir. Enfin, parlons donc de la mise en scène du plus grand réalisateur de tous les temps (note de l’auteur: Oui je le déteste, mais c’est plus en tant qu’homme que réalisateur, je ne renie pas tous ses films, qu’on les aiment ou pas certains sont cultes, mais son manque de modestie est à vomir), fade et peu inspiré. Fade, car le film n’a aucune esthétique particulièrement marquante, et surtout, à part une séquence qui propose un plan-séquence très réussi il faut le reconnaître (Le massacre au fusil à pompe), la mise en scène est transparente. Mais le summum, LE truc qu’il ne fallait surtout pas rater, c’est bien évident LA SCÈNE culte de Old Boy, le combat au marteau. Difficile de vraiment expliquer le carnage de cette scène, et quand on parle de carnage ce n’est pas le résultat des coups de marteau de Brolin auquel on pensera, mais bien au côté insipide de la scène, vidée de toutes ses idées de mise en scène les plus ingénieuses. Il faut le voir pour le croire dira-t-on normalement, mais même en l’ayant vu c’est toujours difficile d’y croire. On serait bien tenté de dire que Oldboy 2013 est l’un des pires remakes de l’histoire du remake, mais lui accorder ce statut se serait lui accorder, même dans un sens négatif, un minimum d’intérêt. Or, ici, la meilleure chose à faire c’est de simplement oublier, et d’effacer de notre mémoire, l’insulte qui est faite à Park Chan-wook et à son film culte. Old Boy était clairement calibré pour le cinéma Sud-Coréen, qui ne craint aucune censure ou aucune coupe et peut alors se permettre de développer un immense sens du subversif et de l’immoralité, en plus de proposer une esthétique originale, et jamais vue auparavant. C’est bien beau de passer un film aux fourneaux Hollywoodiens, mais il faudrait voir à pas le laisser cramer dedans, et surtout, de ne pas confier un tel projet à un mec comme Spike Lee, qui ne supporte pas que d’autres réalisateurs que lui s’approprient une culture dans leurs films, alors qu’il vient juste de bafouer celle des Sud-Coréens en tentant vainement, et à coup de clichés, de leur faire des clins d’œils.