Lancé en grande pompe au festival de Cannes en 2004, le film sud-coréen Old Boy a mis un méchant coup de savate sur la Croisette, qui du coup a eu bien du mal à revenir les pieds sur terre. Il faut dire que l'adaptation libre du manga éponyme par Park Chan-wook avait tout de la mandale qui se prenait aussi bien aux tripes qu'à la tête. L'histoire d'un homme, séquestré dans une chambre (cellule plutôt) sans raison (?), d'où il apprend le meurtre de sa femme, puis relâché 15 ans plus tard, a donné matière à l'un des plus sinistres et brillants thrillers des 20 dernières années. Le jury en a visiblement pris bonne note, Old Boy étant reparti avec le Grand Prix. Mais il est également rentré dans les petits papiers de beaucoup d'autres. Parmi lesquels des producteurs américains, conscients de la rareté de l'œuvre, et qui entendaient bien se la ré-approprier. Des réalisateurs motivés pour tenter le coup? Il y a eu Justin Lin en 2007, qui roulait pour la franchise Fast and Furious et a finalement préféré continuer la route avec elle. Puis Steven Spielberg (!!), en partenariat avec Will Smith (??). Fin 2009, on apprenait que le grand Spielberg et la star jetaient l'éponge. Jusqu'à ce que Spike Lee décide de relever le défi, avec Josh Brolin dans le rôle principal, en lieu et place du remarquable Choi Min-sik (qui interprétait Oh Dae-su) . Et voici donc l'Oldboy nouveau si l'on peut dire. Et son point commun avec le Beaujolais, c'est qu'on peine à distinguer la différence entre ce cru et celui d'il y a dix ans. Au premier abord, on a affaire à la même intrigue et la même construction, le film de Spike Lee reprenant précisément les mêmes rebondissements et points d'orgues. Mais c'est paradoxalement quand on perçoit ses nuances que la dégustation de ce remake devient amère. D'abord, le film perd 15 minutes par rapport à l'original et ça se ressent réellement. La première partie (bâclée) ne parvient guère à montrer la pleine mesure du supplice qu'affronte l'anti-héros (rebaptisé Joe Doucett). Ce qui est d'autant plus regrettable que l'emprisonnement a été allongé de 5 ans. Puis ce sont des ellipses incompréhensibles qui entachent la crédibilité de l'ensemble. Il y a fort à parier qu'une version longue doit trainer dans les cartons du studio car le montage reste trop haché pour être net (et honnête). C'est à se demander où est passé le cinéaste contestataire de Malcolm X et Inside Man. En dépit d'une promotion alléchante, superposant les 20 années de calvaire de son héros aux évènements tristement célèbres de ces deux dernières décennies (11 Septembre, l'ouragan Katrina,...), on s'offusque du manque d'analogies ou métaphores dont le metteur en scène nous avait pourtant habitué. On doit se contenter de le voir mettre en image une commande sans sourciller. Ensuite, même s'il faut bien avouer que Josh Brolin est plutôt convaincant en Doucett, il demeure bien en dessous de la prestation aux frontières de la folie de Choi Min-sik. Elizabeth Olsen est également juste dans le rôle de Marie, en dépit d'un rôle lui aussi amoindri. Par contre, dans la peau du méchant, Sharlto Copley fait un faux pas en sombrant dans le grand-guignolesque, là où son homologue sud-coréen parvenait à retransmettre toute la subtilité et le machiavélisme du personnage. Samuel L. Jackson, quant à lui, fait le job sans vraiment d'étincelles dans rôle du geôlier. Quelques interprètes en forme et quelques belles scènes de-ci de-là (la fameuse bagarre en plan-séquence par exemple, réussie mais toujours inférieure à l'originale) empêchent le film de sombrer. Mais cela reste bien mince. Alors que l'original nous bousculait jusqu'à la sortie et même au delà, cet Oldboy ci ne nous inflige qu'une légère pichenette dont on aura bien du mal à se souvenir les lumières à peine rallumées.