Film sobre et efficace, ne reculant pas devant les ambivalences (la réalité humaine n'est jamais univoque) :
• le Cameroun, avec la longévité de son Président, au pouvoir depuis 18 ans au moment des faits (42 ans aujourd'hui !) ne semble pas un modèle de démocratie, mais des contre-pouvoirs nationaux (manifestations, démarches d'un avocat, presse, opinion publique) se sont exprimés avec l'affaire des 9 de Bependa, déclenchant -certes avec des résultats in fine décevants- des réactions de la Communauté Internationale (UE, Amnesty International, Église). De tels contre-pouvoirs n'auraient pu s'exprimer dans bon nombre d'autres pays ; le Cameroun serait-il une dictature apaisée ? Pourtant, la crainte de ce que deviendra le pays après l'inévitable alternance est bien posé...
• les personnalités interrogées dans le film tirent la couverture à eux, mais évoquent volontiers comment des politiques se sont servis de cette affaire,
• le film évoque aussi comment des familles de disparus ont pu être achetées par le pouvoir...
Le titre laisse entendre que le problème posé est spécifiquement africain "On dit des africains qu'ils ne sont pas prêts pour la démocratie, alors je m'interroge : ont-ils jamais été prêts pour la dictature ?" (Wole Soyinka). En fait, il est bien universel...
Des passants, filmés à la toute fin du film, affirment souhaiter le retour du Commandement Opérationnel (et donc le recours aux exécutions extra-judiciaires) pour faire face au banditisme à Douala. La population préfère donc, dans un réflexe droitier privilégiant la propriété et la sécurité, l'usage de la force expéditive au respect des droits individuels...
Un intervenant, sans disculper vraiment la classe politique, pose la question de la responsabilité collective de la population camerounaise devenue insensible au respect de la vie et de la dignité humaine. C'est selon lui un phénomène historique. On aurait envie de poursuivre le débat avec lui pour mieux comprendre comment on en arrive là... Lire ou relire Wole Soyinka ???
Pour ma part, je ne doute pas de la responsabilité collective des élites qui, en l’occurrence mais aussi ailleurs, luttent insuffisamment contre la paresse intellectuelle qui mène au populisme, en privilégiant la solution la plus simple face à un problème complexe...
Nouans 25 juin 2024