Fleuron d’un genre néo-noir auquel Michael Mann a donné ses lettres de noblesse. Mélange de polar, de thriller et d’action, à la fois plein d’adrénaline et traversé par un sentiment de fatalité mélancolique. Ce qui marque en premier lieu, c’est la réalisation, exceptionnelle de maîtrise, d’intensité et d’élégance, magnifiquement soutenue par le travail du chef op’ Dante Spinotti (avec lequel Mann avait déjà travaillé sur Le Sixième Sens et Le Dernier des Mohicans, et avec lequel il travaillera encore sur Révélations et Public Enemies). En la matière, on touche à la perfection, que ce soit au cœur de l’action (fusillade d’anthologie en pleine rue, dénouement extraordinaire dans la zone aéroportuaire…) ou lors de séquences plus minimalistes, souvent captées dans une tonalité nocturne bleutée absolument superbe. En second lieu, il y a bien sûr la confrontation au sommet de deux immenses acteurs, Pacino et De Niro. Confrontation à distance dans un premier temps (un personnage poursuivant l’autre, chaque acteur faisant son numéro dans son coin), puis réunion étonnamment simple et sobre dans une cafétéria, formidable moment, cash, ponctué de confessions personnelles, entre deux personnages qui s’opposent mais se ressemblent aussi beaucoup. Cette opposition et cette ressemblance sont l’un des attraits du scénario. Deux portraits en miroir, le flic et le gangster. Deux visions du monde, mais une même recherche de maîtrise et d’excellence. Deux chefs de groupe, patriarches à leur façon. Deux individus sacrifiant leur vie perso sur l’autel de leurs obsessions. Et au final : deux fauves, très seuls, qui s’observent, se jaugent et se combattent à mort tout en se respectant. La grande classe. Le reste du scénario épouse avec un bon équilibre l’alternance côté flics / côté gangsters, “vie pro” / “vie perso”, action collective / face-à-face, donnant tantôt dans le spectaculaire ample et puissant, tantôt dans l’intimisme. Belle orchestration narrative, qui n’est pas sans points faibles (quelques facilités dramatiques forçant les probabilités, caractérisation ténue du personnage campé par Amy Brenneman) mais dont le souffle est unique.