Dès les premières images l'ambiance est posée. L'univers des chatrooms, transposé dans le décor aux couleurs saturées d'un hôtel délabré, fait opposition à la froideur du monde réel, mais présage déjà d'une sombre issue. Des ados perdus dans leur vie et dans leur tête se réfugient donc dans ce monde virtuel, où ils peuvent à la fois révéler leur moi profond et se cacher derrière des masques. Dans la première partie de son film, Nakata dissèque la complexité des adolescents d'aujourd'hui qui cherchent de plus en plus les réponses à leurs questions via le net. Puis son film s'oriente plus nettement vers le thriller quand se révèle plus clairement la nature du personnage principal, et Nakata offre alors une réflexion plutôt juste et habilement traitée sur le sujet d'actualité que sont les dangers d'internet.
Nakata a su insuffler à "Chatroom" une ambiance dérangeante qui s'installe progressivement, au fur et à mesure que se distillent les différentes facettes de William, initiateur du chatroom. Nakata sait gérer le rythme de sa narration et faire monter progressivement l'atmosphère du film jusqu'à un final sous haute tension. "Chatroom" n'est cependant pas exempt de quelques maladresses scénaristiques, notamment dans sa fin (qui aurait pu être bien pire ceci dit), mais Nakata réussit à nous faire accepter ces erreurs de justesse. La grande idée du réalisateur a été de représenter les chatrooms comme de véritables pièces, aux décors évocateurs des personnages auxquels elles sont associées. Ainsi, pas de longs plans ennuyeux sur des écrans d'ordinateurs, mais une mise en image qui se révèle être un élément clé de la narration du film. Nakata transforme au sens littéral du terme la toile en un univers parallèle, mais qui finira par s'entremêler au monde réel. Si les pièces savent révéler la personnalité des protagonistes, leurs ambiances fluctuantes appuient également parfaitement l'émotion des scènes qui s'y déroulent. L'autre bonne idée du réalisateur est de faire apparaître les personnages sous des traits légèrement différents dans les chatrooms que dans la réalité. Pour être exact, ceci est surtout vrai pour William, qui change fréquemment de masque, pour n'apparaître sous ses traits réels que lors des tout derniers chats. On l'aura compris, la très grande réussite de "Chatroom" est la mise en image originale imaginée par Nakata, que Jon Henson (pour les décors) et Benoît Delhomme (pour la photo) ont su magnifier.
Côté casting, "Chatroom" réunit quelques uns des jeunes (très bons) talents du cinéma britannique. Aaron Johnson est à mille lieux de "Kick-Ass", mais est toujours aussi convainquant. Il campe avec brio un adolescent à la face cachée très sombre. Autre belle révélation, Matthew Beard est tout simplement déchirant et sait retranscrire toute la fragilité du personnage dépressif de Jim. Pour les fans de "Skins", à noter la présence de Hannah Murray et Daniel Kaluuya, convaincants tous les deux, mais dont les rôles sont relativement peu développés.
Visuellement superbe, "Chatroom" est une réflexion intéressante sur les adolescents d'aujourd'hui et les dangers d'internet, le tout enveloppé dans un thriller efficace à l'atmosphère dérangeante. Une réussite !