Qui s'est déjà perdu sur les chats et autres sites communautaires, sait à quel point l'existence virtuelle, vaste et fermée, se combine à l'infini comme un miroir déformé de la vraie vie. L'image que l'on y donne de soi (un soi fantasmé, sublimé ou déprécié selon le lieu et l'interlocuteur) tout à la fois superficielle et très intime, ne correspond que partiellement à ce qui caractérise la nature humaine dans toute sa complexité. Hideo Nakata et son scénariste Enda Walsh (déjà scénariste du superbe Hunger) adaptant ici sa pièce de théâtre, par le biais d'un récit finalement assez simple, réussissent brillamment à transposer l'atmosphère particulière des chats et autres forums. Il y a d'abord le temps qui s'accélère, se tord, supplante le temps réel et finit par transformer toute perception. Aussi devient-on ami très rapidement, se confie-t-on tout aussi vite, devenant accro à des conversations virtuelles devenues plus importantes que tout. Chatroom fourmille de petites trouvailles très justes, des lieux de chats matérialisés, aux codes d'entrées, logos et autres ambiances personnalisées. Esquissant les personnages plus qu'il ne les fouille (mais c'est aussi la règle du jeu du net), le film frôle sans cesse la psycho à deux balles sans jamais sombrer dans les clichés purs et durs. Et cela aussi parce qu'il choisit d'être dans l'action, offrant alors l'image d'un thriller haletant à la narration rythmée. Beau visuellement, subtilement mis en scène, très équilibré dans la part faite aux uns et aux autres, au virtuel et au réel, offrant de belles images d'un Londres minimal, Chatroom se vit pleinement du début à la fin. Rien à dire non plus côté casting. Aussi convaincant que dans le ludique Kick-ass, tour à tour sexy, flippé ou inquiétant, Aaron Johnson s'impose désormais comme l'un des jeunes acteurs à suivre de près. A ses côtés, Imogen Poots ou Matthew Beard sont également très bons. Plus profond qu'il y paraît, très malin en tout cas, mêlant les codes du thriller, du teen-movie et d'un certain cinéma d'anticipation, Chatroom réussit son pari sans faiblir.