Pour parler de la vie en entreprise, domaine qui n'est pas sa spécialité, Mathias Gokalp n'a rien voulu laisser au hasard et s'est beaucoup documenté. D'abord de manière littéraire. Il s'est notamment appuyé sur La misère du monde de Pierre Bourdieu, Les carnets d'un inspecteur du travail de Gérard Filoche, et le film La Voix de son maitre de Nicolas Philibert et Gérard Mordillat. Puis au moyen de rencontres, avec des représentants syndicaux, des consultants chargés de restructuration, à qui il posait des questions et faisait lire le scénario en préparation.
Même s'il est très ancré dans l'actualité, le film a été écrit bien avant la crise économique. " Déjà à l'époque, on licenciait à tour de bras, pour d'autres motifs. Les rapport sociaux décrits dans Rien de personnel sont ceux d'une économie de marché ; la croissance ou la décroissance ne changent pas vraiment les choses, même si la crise est un facteur aggravant de précarité. " explique le réalisateur.
Si Mathias Gokalp n'a pas pour habitude de tourner en référence à un film, quand il retrouve des situations traitées dans d'autres films, il les revoit pour s'en inspirer. Pour Rien de personnel, il a revu plusieurs oeuvres d'Alain Resnais et Au feu les pompiers ! de Milos Forman " j'aime énormément l'humour des films tchèques, la tendresse dans la description chronique d'un groupe ; je trouve leur traitement exemplaire ".
Rien de personnel, présenté en ouverture de la semaine de la critique, n'est pas la première expérience cannoise du réalisateur. Son court métrage Le droit chemin avait déjà été présenté à la Quinzaine des réalisateurs en 2004. Il avait remporté le prix SACD.
Mathias Gokalp n'en est qu'a son premier long métrage, mais il commence déjà à se forger une famille de cinéma. Parmi les acteurs qu'on retrouve au long de ses métrages (courts et long), il y a Denis Tadie Tuene, qui joue un évaluateur. Il était l'un des acteurs principaux de son court métrage Le Tarif de dieu. Quant à Dimitri Storoge alias Damien Gauthier-Stevens, il était le narrateur d'un de ses autres courts, Le droit chemin. Précisons enfin que depuis près dix ans, ses producteurs Antoine Rein et Fabrice Goldstein lui sont fidèles et que l'équipe technique de Rien de personnel a en son sein des habitués du réalisateur, tels que la monteuse, la scripte, le compositeur....
Le film est divisée en plusieurs parties, chacune racontant la soirée à partir d'un protagoniste donné, mais sans se focaliser uniquement sur lui. Un moyen de " remettre en question le principe de subjectivité " comme le dit le réalisateur. Et de dénoncer une certaine cruauté de la vie en entreprise." Dans le film, les personnages s'attribuent les uns les autres les causes de leurs malheurs, mais en réalité les places sont interchangeables et le malheur ne vient pas de l‘individu, mais du système dans lequel il évolue. " Pour Mathias Gokalp, il ne s'agit pas d'un cri d'alarme. Plutôt d'un point de vue sur la vie. " Au mieux, j'aimerais que ma façon de filmer ou de raconter des faits assez simples leur fasse perdre leur caractère d'évidence. Rien ne me déprime plus que le fatalisme du "c'est comme ça", "ça a toujours été comme ça ", et l'aveuglement qui s'ensuit."