Le premier film de Tom Ford est à son image : élégant, sexy et troublant. Balayons d'emblée le parallèle fait par beaucoup avec In the mood for love. Certes, la musique est proche de celle du grand film de Wong Kar-Wai, certes, la mise en scène est aussi soignée, mais c'est plutôt du côté d'un certain cinéma moderne des années 60 (période où se situe le récit) qu'il faut trouver une filiation. On pense à un autre américain filmant pour sa part en Grande-Bretagne (le Losey d'Accident), à un Suisse tournant en Italie (le Godard du Mépris), à un Breton filmant Boulogne meurtrie (le Resnais de Muriel). A single man possède la même pureté des images, la même perfection du cadre, la même simplicité des formes (à l'image de la sublissime maison dans laquelle son héros habite), la même puissance musicale. A single man est l'histoire d'un homme anéanti qui se fait beau pour affronter le monde, un homme meurtri qui doit taire son chagrin car personne ne veut le reconnaître, un homme brisé qui regarde le monde vivre autour de lui. Multipliant les plans subjectifs, regards de cet homme sur l'effervescence qui l'entoure, lui sombre et comme au ralenti, le monde coloré et bouillonnant presque agressif (à noter une puissante utilisation des gros plans subjectifs pour capter les détails des visages et des corps). Se rattachant aux quelques instants dont il peut profiter, il va survivre une journée durant. Superbe et élégant (on l'a dit), admirablement bien filmé, d'une grande simplicité, jamais kitch ni précieux, magnifiquement interprété par un Colin Firth fracassé et digne, une Julianne Moore fabuleuse, et le jeune Nicholas Hunt très convaincant dans un rôle plus difficile qu'il y parait, A single man nous émeut par petites touches, d'abord en surface puis de plus en plus profondément. A noter cependant un usage souvent inutile et convenu des flash-back, petites fautes de style qui n'entachent en rien l'ensemble. Au final, A single man s'impose comme une vraie belle surprise.