Mettons de côté pour un temps Scorsese, Polanski et les Coen (par ordre de préférence) : le plus beau film de ce début d’année, peut-être, ne nous vient pas d’un cinéaste confirmé, mais bel et bien d’un débutant : Tom Ford. Pour sa première réalisation, l’ancien styliste de Gucci et d’Yves Saint-Laurent adapte le roman éponyme du britannique Christopher Isherwood, considéré comme un chef-d'oeuvre : dans le Los Angeles de 1962, un professeur d’université, meurtri par la mort accidentelle de son amant, décide de mettre fin à ses jours grisâtres. L’argument, à l’image de son beau titre, est d’une limpidité admirable. A "single man" : l’histoire, ironiquement, d’un "célibataire" (du moins la vie en a-t-elle voulu ainsi en lui arrachant son grand amour), ou, plus simplement, d’un homme "au singulier", laissé seul face à lui-même, face à sa cruelle conscience en éveil, face au non-sens de sa vie, auquel il n'a trouvé comme réponse que le renoncement, dans le silence.
Osera-t-on le dire? A single man est un poème, et un poème bouleversant. Pour s'en convaincre, il suffira de quelques images (les premières, troublantes et sublimes), d'une mélodie entendue au détour d'une scène (Julianne Moore écoute du Baudelaire, susurré par Gainsbourg), et surtout de deux formules proférées en voix-off, encadrant le métrage comme ils encadrent la journée de George Falconer. Le film débute avec ces premiers mots : « Se réveiller le matin, c‘est se dire déjà, avant toute chose, "je suis", "maintenant"» et se referme, implacable, sur ces derniers : « Tout à coup, c’est arrivé ». Et, entre ouverture et clausule, un même soin apporté à la forme, raffinée sans jamais être accessoire - oui, un poème...
(la suite de la critique sur mon blog : http://mon-humble-avis.blogs.allocine.fr/)