Millenium
Un film de Niels Arden Oplev
Pour mettre en images le roman du suédois Stieg Larsson, le réalisateur danois Niels Arden Oplev a dû peaufiner son casting. Le best-seller méritait une distribution des rôles particulièrement exigeante, afin de s'attirer les bonnes grâces du public.
Vendus à près de onze millions d'exemplaires dans le monde, Millenium fait partie de ces romans qui n'ont pas forcément beaucoup à gagner, mais peuvent voir leur réputation entachée, lors du passage au grand écran. Une mauvaise équipe, un mauvais montage, et les spectateurs du film auront une image négative d'un livre qui a rencontré son public ; ce qui serait dommage, tant la saga Millenium a su captiver son lectorat. Les aventures du journaliste ultime, l'intègre Michael Blomkvist, et de la jeune hackeuse asociale Lisbeth Salander ont passionné les lecteurs, qui n'osaient espérer une adaptation au grand écran aussi rapide. C'est désormais chose faite. Avec un certain bonheur, et quelques petites frustrations aussi.
Journaliste indépendant jouissant d'une bonne réputation, Michael Blomkvist est un des membres fondateurs du mensuel d'investigation économico-financière Millenium. Son rôle est de faire en sorte que les grands groupes industriels et commerciaux ne bafouent impunément l'indépendance relative de la sphère politique. Problème, Michael Blomkvist ne pensait pas, en s'attaquant au magnat Hans Erik Wennerström, tomber dans une souricière. Ses sources mystérieusement évaporées dans la nature, Michael n'avait soudain plus eu aucun élément tangible pour étayer ses thèses, et se retrouvait sur le banc des accusés, inculpé dans un procès pour diffamation. Une condamnation à trois mois de prison ferme et plusieurs dizaines milliers de couronnes de dommages plus tard, Michael doit se résigner à quitter temporairement la rédaction de Millenium. Le verdict était sévère. Le journal se porte en effet plutôt mal, de nombreux annonceurs ayant revu leur partenariat avec le mensuel suite à la condamnation de Blomkvist. Le journaliste va cependant rebondir, le fondateur d'un groupe industriel, Henrik Vanger, l'engageant pour élucider un meurtre datant d'une quarantaine d'année. Son flair hors du commun lui sera utile, mais ne sera pourtant pas suffisant pour lui permettre de reconstruire toute l'histoire. Il devra faire équipe avec une fouineuse de génie, dotée d'un tempérament obscur, nommée Lisbeth Salander. Le look gothico-punk de cette dernière dissimule à merveille ses ressources intellectuelles, tout en reflétant la noirceur de son âme. Il faut dire que Lisbeth a traversé (et traversera) de rudes épreuves, et que son inaptitude à la communication en est la conséquence.
Les premières images du film nous montrent un Henrik Vanger recevant un petit paquet. Il l'ouvre, dévoilant une fleur séchée, sous verre, pour ensuite se mettre à sangloter en silence. Nous découvrirons ensuite que le petit colis, reçu tous les ans à la même date, est devenu une sorte de tradition depuis près de quarante ans, et lui rappelle la disparition de sa nièce, Harriet, dans des circonstances jamais éclaircies. Peu de temps après, Henrik fera appel au célèbre journaliste Michael Blomkvist -sous le coup d'une condamnation pour diffamation- afin de relancer une enquête qui avait remué la région sans aboutir.
Les décors sont vite plantés, les personnages prennent leur place sans perdre de temps, à commencer par Michael Blomkvist et Lisbeth Salander. Le procès perdu par Blomkvist est évacué dans les premières minutes, afin de plonger dans l'affaire proprement dite. Néanmoins le film fera inévitablement des déçus, tant il fait l'impasse sur certains personnages, et oublie divers passages, pourtant pas anodins. Mais c'est souvent le cas, quand il s'agit de mettre en images un roman assez étoffé, riche et bien ficelé. Les lecteurs cherchent à retrouver toutes les subtilités présentes dans l'œuvre, et sont parfois désappointés de constater qu'elles n'y figurent pas.
Millenium remplit pourtant honorablement son contrat. Tout d'abord parce que les deux heures trente et des poussières que dure le film passent sans que le spectateur soit tenté de regarder sa montre, et rien que cela, c'est un signe qui ne trompe pas. Ensuite, parce que les personnages, sur lesquels le livre est basé, ont trouvé à l'écran des interprètes les incarnant avec justesse. La Lisbeth Salander qui prend les traits de la comédienne Noomi Rapace est bien telle que décrite dans le livre. Rétive -le mot est peut-être un peu faible- obstinée, asociale, on la devine vite surdouée, doté d'un sérieux handicap envers les conventions sociales, tout le carcan érigé par la civilisation. Face à ce personnage-clé, Michael Blomkvist prend les traits du comédien Michael Nyqvist, tour à tour astucieux, charmeur, mais avant tout tenace, raison pour laquelle Henrik Vanger l'a choisi. Le duo Blomkvist-Salander fonctionne bien, avec toutes les aspérités et les problèmes de communication présents dans le liv