Hier, ce fut journée suédoise. Le matin, virée chez IKEA, suivie du traditionnel combat pour déchiffrer les hiéroglyphes de la notice de montage, puis cinéma avec l'adaptation du premier tome de la trilogie de Stieg Larsson ; il n'y a que la soirée qui n'a pas été raccord, avec la victoire du bellâtre norvégien aux dépens de notre archi-favorite, à en croire les commentaires des deux placardisés du PAF.
Suédoise, donc, ou tout du moins scandinave, puisque les producteurs ont su résister aux sirènes hollywoodiennes et engager un réalisateur danois, et à la place de Tom Hanks en Super Blomkvist ou de Keira Knightley en Lisbeth Salander, de parfaits inconnus pour quiconque ne connaît pas sur le bout des doigts le Who's who cinématographique du paradis de la social-démocratie nordique, des groupes néo-nazis et des psychopathes mysogines.
Je fais partie de ces quelques centaines de milliers de lecteurs qui, à l'automne, ont pris un peu par hasard ce polar venu du froid au titre étrange, "Les hommes qui n'aimaient pas les femmes", et qui n'ont pas décroché avant d'avoir terminé les 1 740 pages de la comédie humaine inachevée de Larsson, puisqu'il avait prévu d'écrire dix volumes. C'est donc avec curiosité et circonspection que je suis allé voir ce premier opus, tant l'univers glauque et l'intrigue foisonnante me paraissaient casse-gueule à porter sur le grand écran.
Et bien, bonne surprise : l'adaptation de Niels Arden Oplev se révèle très fidèle à l'intrigue, y compris à ses passages les plus hard, comme la relation de Lisbeth avec son nouveau tuteur. Le réalisateur a expliqué qu'il avait refusé un premier scénario d'1 h 30, rédigé par un Anglais et qu'il a exigé une durée de 2 h 30 pour ne pas avoir à effacer tel ou tel aspect de l'histoire. Il a bien fait, car grâce à une réelle virtuosité à raconter de nombreux passages en des scènes courtes et très rythmées (je pense notamment aux recherches de Michael et de Lisbeth sur leurs ordinateurs), il réussit à recréer la tension nerveuse et le sens du tempo implacable qui faisaient beaucoup pour l'attrait du roman, et qui amènent à ce que les 150 minutes s'écoulent avec fluidité.
L'autre réussite se situe dans l'utilisation des décors naturels de la Suède, avec cette lumière si particulière qui restitue une partie imprtante de l'ambiance glacée du livre. Alors certes, on pourra trouver Michael Nyqvist un peu mou et bien moins séduisant que son personnage de papier ; par contre, Noomi Rapace compose une Lisbeth Salander plutôt crédible, avec ce mélange de fragilité et de férocité qui en a fait progressivement la véritable héroïne de la trilogie.
On peut aussi trouver que la réalisation est sans surprise, qu'il y a une utilisation un peu trop systématique de la musique pour souligner pesamment les menaces qui pèsent sur nos deux enquêteurs, ou que la fin n'échappe pas au mélo un brin larmoyant ; ce n'est pas faux. Mais si cette réalisation n'apporte rien de plus au récit, elle présente le grand mérite de ne rien y enlever non plus, et d'offrir une illustration visuelle assez proche de celle que j'avais pu me faire à la lecture du roman.
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