A l'image de ses personnages, jamais fatigués, qui tirent une centaine de balles en un seul film, Johnnie To ne s'arrête pas de tourner. Monstre de l'industrie asiatique, le cinéaste chinois sort trois long-métrages par an, qui semblent autant de variations autour des figures et thèmes-phares du film noir. Mais la redite, To l'évite grâce à son style baroque, énorme, véritable explosion visuelle à la John Woo zébrée d'une myriade d'idées. Le remake, l'hommage, les codes : tout est affaire de reprise dans Vengeance. Johnnie To refait jouer ses acteurs fétiches à chaque film (ici, la triade des alliés de Costello, mené par un Anthony Wong d'une classe indépassable) et privilégie toujours les mêmes thèmes. Le cinéaste se préoccupe assez peu de son intrigue expédiée, le mobile du crime initial de la famille Costello est énoncé puis aussitôt oublié. Car Johnnie To est un esthète, et l'on sait que l'histoire de Vengeance n'est que prétexte au déchainement visuel de gunfights. Combat dans les bois éclairé par intermittences d'une pâleur laiteuse, déchetterie transformée en champ de bataille et tout droit tirée d'un tableau, poursuite dans une valse de parapluies, ronde des ralentis et des éclats sanglants. Il faut être client de ce genre de cinéma, surtout quand il est servi à la pelle par To le prolifique ; mais les invraisemblances et l'apparente bêtise d'un scénario ont été transcendés, de tout temps, par le talent et le panache – ce n'est pas un hasard si on pense souvent à Sergio Leone devant les films de Johnnie To, même si le cinéaste chinois en reste souvent à la référence, sans arriver une seconde à la cheville du génie italien. To maîtrise l'art de la longueur, des silences, des regards, des corps face-à-face, bien qu'il en abuse parfois, et que ses films gagneraient à être plus courts.
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