«Little Fugitive» (USA , 1953) de Morris Engel, Ray Ashley et Ruth Orkin atteste définitivement que le cinéma européen entretient avec le cinéma américain une relation durable. Sans Rossellini, pas de «Little Fugitive», et sans ce-dernier pas de «Quatre cents coups». Ces échanges nourrissent les deux cinématographies et permettent à l’art cinématographique de se dynamiser. Le film d’Engel, Ashley, Orkin, maillon potentiel entre le néoréalisme et la Nouvelle Vague, suit la journée du petit Joey, petit garçon de sept ans laissé avec son grand frère pendant que sa mère par travailler. La modernité du film, en son époque, est qu’il détaille sans afféteries le quotidien d’un foyer américain monoparental. A ce cadre social, s’ajoute la façon dont les trois auteurs du film décident de retranscrire la réalité de Brooklyn. La fête foraine, lieu central du film où fusionnent espace du rêve et espace de la réalité, offre l’occasion pour Joey, en fuite après avoir cru tuer son grand frère, de chevaucher un cheval. Sur le ton de la désinvolture, «Little Fugitive» aborde l’intranquilité d’un jeune enfant. Semblable dans une certaine mesure à «The savage eye», autre film indépendant américain à l’époque où le ciné alternatif U.S. était encore audacieux, «Little Fugitive» parcourt en latence les maux qui s’épanouissent dans la middle-class américaine. Sans être engagé politiquement, «Little Fugitive» tire le portrait juste d’une caste de la société états-unienne, en insistant sur l’optique des enfants. Joey, a contrario d’Antoine Doinel, n’est pas un protagoniste de fiction, il apparaît davantage comme une figure de la légèreté. En pleine empathie avec leur personnage, les cinéastes le considèrent comme une sorte d’électron libre lâché en plein cœur d’un espace festif. Chaque micro-évènement ouvre l’occasion pour l’enfant, et pour le spectateur, de satisfaire sa soif d’aventure, sans se défaire d’un souci de réalisme.