Des films de Inárritu je garde souvent une très bonne impression dans l'instant, avant de, au fil des jours, avoir l'impression de m'être fait avoir. Je dois donc reconnaitre qu'avec "Biutiful", j'étais sur mes gardes, et après plusieurs jours de réflexion afin d'avoir du recul sur l'avis immédiat. Et je crains que cette fois, je ne me suis pas fait avoir.
Car avec ce récit d'un homme, sensible aux esprits, vivant une descente aux enfers, Inárritu cherche à capter le réel, ou, plus précisément, un réalisme social.
Et avec cette seul intention, le cinéaste mexicain met en avant le plus gros défaut du long-métrage : son écriture.
En effet, Inárritu semble confondre "réalisme social" et "complaisance de la misère", car c'est exactement c'est qu'est "Biutiful" une plongée dans un monde où la misère est partout.
Et je ne dis absolument pas que le monde n'est pas dans cet état, simplement la férocité avec laquelle le cinéaste la représente tombe très rapidement dans le pathos vomitif.
J'entends par là que c'est trop, tout est trop, et on perd par là-même l'intention de réalisme, de vrai.
Que Uxbal, interprété par un Bardem grandiose cela ne peut pas être nié, se retrouve face à la maladie, et donc à la mort, alors que sa situation ne le permet pas c'est percutant comme sujet, et Inárritu semble en avoir bien conscience.
Mais créer un récit autour d'un suite de saynètes, n'ayant pas grand lien entre elles, servants à dépeindre une misère constante et universelle, bien plus accusatrice qu'émouvante.
Voilà le sentiment qui ressort de "Biutiful", celui d'être accusé, de par l'ambition presque pornographique de la misère et la complaisance de la part d'un cinéaste pour lequel, la possibilité d'un échappatoire, d'une lumière, voir de la moindre nuance est impossible. Ainsi, le long-métrage et le spectateur se retrouvent écrasés par le poids d'une écriture sans finesse, d'une lourdeur qui rend l'oeuvre opaque émotionnellement.
Toutefois, deux choses viennent sortir le film de son carcan social suffocant : Bardem et le fantastique.
Le talent de l'acteur ibérique n'est évidemment plus à prouver, mais il livre tout de même ici une prestation incroyable, faisant grandement gagner le personnage en crédibilité et en ambiguïté, il est très juste.
Cependant là où l'oeuvre est surprenante c'est dans son utilisation du genre fantastique, pour des scènes qui créent de vrais moments d'horreur, mais surtout de cinéma.
En ce qui me concerne, je retiendrais la caméra de Inárritu qui se pose sur les mains d'un père et sa fille, réussissant à parler de paternité, de vie, de mort, d'héritage, car ces moments (il y en a plusieurs) d'une beauté toute simple, sont bien plus marquants et touchants qu'une représentation étouffante et mortifère de la misère.