Les Chemins de la liberté est une adaptation du best-seller "À marche forcée" écrit par Slavomir Rawicz, ancien soldat polonais envoyé aux goulags sous le régime stalinien. Contrairement aux personnages de son roman, l'écrivain ne s'est pas évadé mais a été amnistié. Le voyage de Sibérie en Inde qu'il relate n'a donc pas été accompli par lui, mais par d'autres prisonniers qui l'ont inspiré pour écrire son histoire. Rawicz a tout de même marché de Sibérie jusqu'au Moyen-Orient pour rejoindre l'armée polonaise."Lorsque j’ai découvert le livre, j’ai su que je devais faire ce film, et les premières images me sont venues très facilement," explique Peter Weir. Le réalisateur a cependant décidé d'apporter à l'histoire et aux personnages une grande part de fiction, ne sachant pas jusqu'à quel point les faits relatés étaient authentiques.
"Le tournage de ce film fut une aventure en soi. J’ai l’impression que tout ce que j’ai pu faire avant n’a fait que me préparer à cette histoire et à cette fresque humaine inspirée d’une histoire vraie," raconte Peter Weir, qui sait de quoi il parle, car six fois nommé à l'Oscar, le cinéaste a notamment réalisé The Truman Show ou encore Master & Commander.
"Peter est un maître dans l’art de raconter des histoires passionnantes sur la nature humaine," déclare Joni Levin, productrice des Chemins de la liberté. En effet, la description de la nature humaine est un exercice auquel Peter Weir aime se livrer. Dans The Truman Show, par exemple, il raconte l'histoire d'un homme utilisé malgré lui depuis sa naissance pour jouer dans une émission télévisée. Dans The Mosquito Coast, il suit les lubies d'un inventeur maniaque. Il ne déroge pas à la règle avec Les Chemins de la liberté, dans lequel il dépeint le parcours, tant intérieur que physique, d'un groupe d'évadés sous le régime stalinien.
Colin Farrell, qui a été le premier acteur à lire le scénario des Chemins de la liberté, a tout de suite été fasciné par l'histoire, mais a cependant hésité avant d'accepter de se lancer dans l'aventure. "(...) au départ, je ne me voyais pas vraiment dans les rôles de Janusz ou de Valka. Je voyais Valka comme un faible, même s’il est dangereux et violent. En relisant l’histoire, j’ai compris sa place dans le groupe, même s’il reste un peu en dehors. Il incarne quelque chose de plus grand que lui, l’hypocrisie et l’échec de ce système corrompu et dictatorial. J’ai alors compris que l’histoire était bien plus que la somme de ses parties, et j’ai espéré que Peter Weir me donne la chance de jouer dans son film," raconte l'acteur.
L'acteur Jim Sturgess, qui a rencontré Peter Weir dans un hôtel londonien pour le rôle, sortait ce jour-là d'un tournage de nuit particulièrement fatigué. "Je devais ressembler à un mort-vivant. J’étais à cran, je n’avais pas dormi et je n’étais pas vraiment préparé à le rencontrer," se souvient-il. Pour se rattraper, il a alors décidé d'envoyer au réalisateur une vidéo de quelques scènes qu'il avait jouées ainsi qu'une lettre. "Je ne voulais pas rater l’occasion de travailler avec Peter Weir, j’ai donc pris ma caméra et mon stylo. Peu après, il m’a téléphoné et il m’a offert le rôle. J’ai dû le remercier une bonne cinquantaine de fois !," explique l'acteur.
Les Chemins de la liberté marque la deuxième collaboration entre Peter Weir et l'acteur Ed Harris, qu'il avait déjà dirigé pour The Truman Show en 1998. "J’ai tout de suite accepté de collaborer à nouveau avec Peter parce que je savais qu’il était parfaitement capable de raconter cette histoire dont les personnages sont dépouillés de leurs prétentions," explique l'acteur.
Le personnage interprété par Ed Harris représente les milliers d'Américains qui ont immigré en Russie pour trouver du travail durant la crise économique de 1929. Beaucoup d'entre eux se sont alors retrouvés dans des goulags. Pour jouer le rôle de Smith, l'acteur s'est inspiré du livre "Les Abandonnés" ("The Forsaken"), écrit par Tim Tzouliadis en 2008.
Les personnages des Chemins de la liberté effectuent un interminable périple à pied, traversant la Sibérie, la Mongolie, le désert de Gobi, la Chine, pour enfin arriver en Inde. Ces destinations entrainant pour la plupart des complications logistique et politique au niveau du tournage, celui-ci a finalement été réalisé en Bulgarie, au Maroc et en Inde.
Les droits du roman de Slavomir Rawicz, "À marche forcée", publié en 1956, ont à l'époque été réservés par l'acteur-réalisateur Laurence Harvey. Warner Bros a également eu l'idée d'adapter l'histoire au cinéma avec Burt Lancaster. Ce n'est qu'au milieu des années 90 que Joni Levin et Keith Clarke ont commencé à s'intéresser au roman. Après avoir obtenu les droits, ils ont ainsi confié la réalisation du film à Peter Weir.
Le chef décorateur John Stoddart a été chargé de reconstituer un goulag grandeur nature dans les studios Boyana en Bulgarie. "J’ai commencé avec un agencement en grille que Peter n’a pas aimé parce que cela ressemblait trop aux camps de concentration allemands. Il m’a alors montré des documents sur lesquels on voyait que les goulags soviétiques avaient un plan moins structuré. Les prisonniers les construisaient eux-mêmes parfois en plusieurs étapes, et sans aucun plan. Comme les détenus avaient besoin d’un abri très rapidement, ils fabriquaient de nouvelles baraques avec une charpente très rudimentaire couverte de toile, qu’ils remplaçaient ensuite par du bois," explique-t-il.
Afin de préparer au mieux ses acteurs, Peter Weir a concocté une fausse scène d'interrogatoire improvisée. Les acteurs se sont ainsi retrouvés chacun leur tour à la place de l'accusé. Une femme rentrait même sans que le comédien le sache, se présentant comme son épouse et le trahissant. "La scène était bouleversante, j’ai vraiment été surpris par l’intensité et la force du jeu. Peter a d’ailleurs décidé que cette scène devait être dans le film," raconte Jim Sturgess.
Cyril Delafosse-Guiramand, conseiller technique du film et également aventurier, s'est employé à enseigner l'art de la survie aux acteurs. Ayant lui-même accompli le voyage relaté dans Les Chemins de la liberté, il a emmené les comédiens camper en plein hiver et leur a inculqué quelques notions de survie. "Les voir entrer dans leur rôle à travers ces expériences était passionnant. Dans un sens, j’ai vu le scénario prendre vie," explique l'aventurier.
Pour se préparer à leurs rôles, Jim Sturgess, Alexandru Potocean, Saoirse Ronan, Sebastian Urzendowsky et Dragos Bucur se sont entrainés à parler avec l'accent polonais. Gustaf Skarsgard a quant à lui étudié le letton, tandis que Colin Farrell et Ed Harris ont appris les bases du russe."Apprendre le russe était formidable, c’est une langue très ancienne qui vient des tripes. Cela sonne en bouche comme un hiver rigoureux, et ses sonorités et ses accents vous affectent physiquement," explique Colin Farrell.
Avant de tourner son film, Peter Weir a effectué un important travail de recherche, consultant de nombreuses archives et allant jusqu'à rencontrer les enfants de l'auteur Slavomir Rawicz. Un travail qu'il a également exigé de ses acteurs en préparation de leurs rôles. Il leur a ainsi fait lire des livres et regarder des vidéos sur les goulags. Jim Sturgess a même rencontré plusieurs anciens prisonniers et évadés des camps. "Les regarder dans les yeux et d’entendre leurs histoires était fascinant. Je ne voulais pas arriver sur le plateau sans connaître le contexte de l’époque et ce que ces hommes ont enduré. Quand vous les avez en face de vous, vous réalisez que c’est arrivé il n’y a pas si longtemps," explique le jeune acteur.
"Ce ne sont pas nos fusils, nos chiens ou nos barbelés qui vous retiennent. C’est la Sibérie tout entière qui est votre prison," explique le commandant du goulag aux nouveaux arrivants au début du film. La Sibérie, torride en été et glaciale en hiver, représentait en effet pour les détenus une prison naturelle. Condamnés à survivre avec 1200 calories par jour, leur espérance de vie dans le camp était environ d'un an, mais les conditions climatiques ainsi que la mise à prix de leurs têtes ne leur garantissaient pas un meilleur sort si jamais ils parvenaient à s'enfuir.
Créés au XIXème siècle, les camps de prisonniers de Sibérie ont rapidement pris le nom de "goulag" (Glavnoïe OUpravlenie LAGuereï, ou en français : direction principale des camps de travail forcé). Ce système a pris de l'ampleur sous Staline et les conditions des détenus ont alors complètement changé. Tortures, enfermements et humiliations étaient monnaie courante et la durée de vie moyenne des prisonniers ne dépassait souvent pas un hiver. De plus, les motifs d'accusation passibles de déportation sont devenus de plus en plus nombreux, allant de la simple pratique religieuse au manque de respect en passant par les retards au travail un tant soit peu répétés.