Réalisé par Anthony Waller et sorti en 1994, ce film fait partie de ces perles rares tombées dans l'oubli ou l'indifférence générale, justifiée ou méritée pour certains puisque le film est loin de faire l'unanimité. D'où ma surprise en découvrant ce petit thriller du milieu des années 90 qui ne paye certes pas de mine mais qui m'a pourtant complètement happé durant une heure et demie. Nous suivons ici une maquilleuse muette spécialisée dans les effets spéciaux qui, lors d'une soirée où elle est bloquée dans les studios, croit surprendre le tournage d'un snuff movie. Alors pour ceux qui ne le sauraient pas, un snuff est un film qui met en avant la réalité de la violence qu'il y montre : meurtre, viol etc., tout est censé ne pas être simulé ; bien-sûr, ce ne sont pas des films mainstream (les seuls, comme "Snuff 102" par exemple, ne font que jouer avec la limite entre réalité et fiction) ; ce sont des films qui se retrouvent surtout en vente ou en streaming (souvent avec une sorte de mise aux enchères) sur le dark web. Bref, tout ça pour dire qu'elle assiste à un truc pas joli-joli mais pourtant, personne ne veut la croire ! Commence alors une enquête, enquête qui est, commençons par le gros point faible du film, très prévisible. Effectivement, c'est le seul reproche que je peux faire à l'ensemble, c'est-à-dire que le film use de codes hitchcockiens tellement vus et revus qu'on en voit très facilement les ficèles et ce n'est pas le nombre de twists qui va y changer grand-chose. Néanmoins, cela démontre surtout que le film, malgré ce côté prévisible, parvient tout de même à captiver son spectateur rien que par l'efficacité d'écriture du scénario. Alors, c'est un peu paradoxal avec cet aspect prévisible mais ce n'est jamais pour tomber dans la facilité mais plutôt pour rendre hommage aux grands films de suspenses américains des années 40 et 50, comme a pu le faire De Palma à de nombreuses reprises d'ailleurs (c'est du moins mon interprétation personnelle). Mais le film ne captive pas uniquement de par son scénario mais également de par sa mise en scène qui est tout simplement brillante ! Nous avons déjà toute une réflexion sur la mise en scène de la violence avec cette scène grotesque de faux meurtre, suivie de la scène du véritable meurtre, questionnant alors le rapport entre la violence ou plutôt sa représentation à l'écran (ce dernier qui s'efface complètement pour l'héroïne puisque soudainement, la fiction rencontre la réalité). Une mise en scène de la violence qui n'est pas uniquement axée sur le côté gore mais également sur le regard. Déjà car l'héroïne est muette et communique ainsi forcément en langage des signes mais également avec son regard et celui des autres. Tout ceci est accentué par des plans qui accusent les années (comme ces séries de zooms fractionnés) mais qui, en plus de rester sacrément efficaces, donnent au film une aura de série B un peu kitschouille (encore une fois, comme à la De Palma) qui est la bienvenue. Enfin, pour rester sur la mise en scène, nous avons également des scènes de tensions très efficaces avec des courses poursuites aux mouvements millimétrés et réglés comme sur du papier à musique (je pense notamment à la première course-poursuite dans les studios qui est captivante). Et puis le film est tout de même aidé de par son contexte, c'est-à-dire la Russie qui est, comme souvent, représentée comme étant sombre, grise et froide mais également car les personnages se retrouvent perdus dans un pays dont ils ne comprennent pas la langue, ce que le spectateur subit également. Le film brille également de par ses touches d'humour, notamment apportées par le couple Karen/Andy qui fonctionne très bien. Même si j'ai conscience de surnoter "Témoin muet", je trouve que ce dernier reste un thriller très efficace au rythme soutenu !