Qui n’a jamais vu "Jumanji", surtout suite au décès de Robin Williams qui a permis à chacun de ses films d’être rediffusés à la télévision ? Malgré les années, ce film a gardé son originalité, son humour, et sa folie. C'est un film fantastique magique et inoubliable totalement culte et indémodable qui ne s'oubliera jamais, bien qu'il dispose d'un scénario assez prévisible : lors d’une partie de Jumanji, un jeu très ancien, le jeune Alan est propulsé sous les yeux de son amie d’enfance, Sarah, dans un étrange pays. Il ne pourra s’en échapper que lorsqu’un autre joueur reprendra la partie et le libérera sur un coup de dés. Vingt-six ans plus tard, il retrouve le monde réel par le coup de dés de deux autres jeunes joueurs, Judy et Peter... Premièrement, "Jumanji" est bâti sur un postulat (un lancer de dés peut créer du danger) et un schéma narratif diablement simples mais efficaces, avec une double introduction assez sombre et peu habituelle pour les blockbusters familiaux de l’époque. Ce démarrage met en scène la disparition d’un pré-adolescent maladroit, martyrisé par ses camarades à cause de son patronyme et non écouté par son riche père (supposément) autoritaire qui veut l’envoyer contre son gré dans un établissement huppé, au sein d’un univers fantastique hostile avant que le cinéaste présente ensuite d’autres enfants, un frère et une sœur pupilles de la nation, qui trouveront, plus tard, après avoir joué à Jumanji, réconfort auprès de la version adulte du gamin exposé initialement. Ce départ, riche de dramas, plante tout de suite le décor (le plan dévoilant l’aspiration d’Alan dans le jeu reste longtemps en mémoire), et tease grandement la suite. Dans sa seconde et sa troisième parties, "Jumanji" rappelle ensuite les fondements de "Hook" : après son introduction située dans notre monde, le film laisse en effet place à un récit d’aventures incorporant des événements féériques pour revenir enfin à la réalité environnante du début à travers un épilogue résolutif particulièrement émouvant, la comparaison avec le film mal aimé de Spielberg tenant ici autant à la présence de Robin Williams qu’à l’impression d’un "Peter Pan" inversé, où l’acteur surgit du monde fantastique pour regagner le réel. Deuxièmement, "Jumanji" est thématiquement dense et ose aborder frontalement le deuil sous toutes ses formes, ce qui est denrée rare, voire inespérée, dans les films familiaux des années 1990. Muni d’un ton mélancolique audacieux, Joe Johnston enchaîne ainsi quelques scènes hautement inattendues dans un film calibré, en principe, pour la famille, pour délivrer au final un message touchant et juste sur ce thème. En tête tout le passage où il prend judicieusement le temps de révéler le parcours d’Alan Parrish, incarné à l’âge adulte par un Robin Williams poilu et barbu, vers ses origines (sa ville, sa rue, son foyer, l’entreprise de fabrication de chaussures de son père, ses racines) après qu’il se soit tiré de Jumanji, au sens propre comme au figuré. Ce moment du film termine, du reste, par la vision d’un Alan abattu, qui doit faire face à la mort (littéralement, puisque la scène se déroule au cimetière, devant des sépultures) de ses parents pour achever, brutalement et sèchement, sa métamorphose en adulte mature et responsable. C’est alors qu’il gagne, progressivement, la fonction de père (de substitution) pour les orphelins Judy et Peter Shepherd (incarnés respectivement par Kirsten Dunst et Bradley Pierce), bientôt rejoint par une mère, version adulte de son amie Sarah, jusqu’à présent traitée de folle et suivie par un psychologue après qu’elle ait révélé à son entourage avoir été témoin dans l’enfance de la disparition sordide d’Alan. Cette dynamique de personnages (4 orphelins recomposant une famille, chose peu courante au cinéma) permet ainsi au réalisateur Joe Johnston de nourrir le gravitas au récit. Ajoutez à cela un élément en apparence anodin mais particulièrement perturbant : le père d’Alan et le chasseur Van Pelt, ennemi juré d’Alan qui, affublé d’un costume d’explorateur colonial, souhaite le traquer et le tuer, sont interprétés à l’écran par le même comédien, Jonathan Hyde. Un choix pour le moins sinistre, qui enrichit indubitablement la confusion dans la place du père au sein du récit. Comme si celui-ci était finalement l’adversaire de son propre fils ou plutôt, comme si la peur de l’autorité paternelle qui habite Alan au début l’avait littéralement éloigné de ce que son géniteur est en réalité (un papa aimant qui a ruiné toute sa fortune et passé toute sa vie à retrouver son fils chéri) pour incarner une grande menace freudienne dans son subconscient. Pari osé on vous dit ! D’autant plus si on s’attache à regarder de plus près le sort réservé à Van Pelt dans le film. Pour les plus jeunes, rassurez-vous, ces circonvolutions funestes du récit sont heureusement contrebalancées par une bonne humeur rassurante et communicative, dont l’incursion se fait naturellement grâce à un humour bienvenu, porté par des comic reliefs (l’ancien employé de l’entreprise de chaussures reconverti en flic et la tutrice légale des orphelins), des situations "fish out of the water" (les singes sur la moto de flic, le troupeau de rhinocéros qui traverse un passage piétons, l’homme des cavernes qui fait peur à tout le monde) et quelques répliques satiriques tordantes (celle de l’armurier juste après l’achat de son client), grâce à la bonhommie de Robin Williams, et grâce à la résolution positive de l’histoire, à grands renforts de pédagogie (ne pas tricher, ne pas mentir) et de sentimentalisme sur l’amour des pères pour leurs enfants, ceci afin ne jamais perdre de vue l’objectif d’un divertissement familial qui s’inscrit dans la plus pure tradition des productions familiales des années 1980. Troisièmement, la représentation intelligente du jeu dans le film et la manière astucieuse dont il est mis en scène par Joe Johnston valent largement le détour. Au-delà de l’idée maligne de ne jamais expliquer ses origines, le cinéaste a eu aussi un bon coup de flair en faisant travailler au maximum son pouvoir suggestif. Il est en effet beaucoup plus efficace de ne pas donner à voir l’environnement interne de Jumanji, mais de le faire ressentir au moyen de bruits de tam-tams et de tambours de guerre flippants qui se déclenchent dès lors que le jeu de plateau est proche physiquement, ces sons étant d’ailleurs utilisés habilement par le réalisateur tout le long (et même jusque dans le dernier plan). Ainsi, quand ces notes retentissent et si, de surplus, la cadence s’accélère au rythme des battements de cœur, on a de bonnes raisons de penser que la jungle luxuriante et insécurisante n’est pas bien loin. L’autre façon subtile qu’a le réalisateur d’évoquer l’intérieur du jeu est de le faire exister à travers deux éléments : hors-champ, via le terrible récit qu’en livre Alan (rappelons qu’il y a vécu durant de longues années et y a affronté toute sa faune et toute sa flore) et dans le champ, lorsque les éléments infernaux propres à son environnement (fauves, insectes, pluie diluvienne, tremblement de terre…) intrusent notre monde. Ce qui maintient véritablement l’attention dans "Jumanji", c’est donc l’irruption du fantastique dans la réalité, et non l’inverse, et c’est ce ludisme permanent entre le champ et le hors-champ qui rend la mythologie de "Jumanji" à la fois crédible, fascinante et effrayante. N’oublions pas non plus la fonction du jeu dans le film (et dans la vie ?) : Alan, l’enfant aux problèmes insurmontables, joue à Jumanji au début car c’est pour lui une échappatoire, une manière de lutter contre une réalité douloureuse (harcèlement, père de prime abord exigeant et rejetant, responsabilité du licenciement d’un gentil employé…). Un imaginaire idéalisé qui va, hélas, se transformer peu à peu en cauchemar. Le jeu de société apparaît alors comme objet transitionnel, et le fait de jouer comme une façon de s’en sortir. La démarche se répète ensuite avec Judy et Peter, qui produit une mise en abîme foutrement efficace et intéressante, avec l’idée de percevoir Jumanji comme une métaphore des maux les plus communs, à l’instar du clown Pennywise dans "Ça". Dernier argument : le film est formellement réussi, même s’il n’est peut-être plus aussi irréprochable aujourd’hui. Usant d’animatroniques (la grosse plante jaune carnivore, le pélican qui dérobe le jeu, le crocodile de la mousson, ou encore les araignées du grenier) et d’images de synthèse (tout le reste en gros) inventives pour l’époque (mais plus tellement de nos jours hélas, le film ayant vieilli) et de trucages savants (le plancher-sable mouvant, la mousson dans le salon, les plantes tropicales géantes), l’artisan Joe Johnston fait preuve d’un certain savoir-faire aussi bien dans l’incrustation à l’écran de ses effets (merci ILM, la société de SFX créée par son ancien patron George Lucas) que dans la scénographie de l’action. Il sait en effet gérer le suspense, faire monter la tension et offrir quelques mises en place prenantes avant le démarrage de chaque péripétie, déployant par la suite une énergie pour distraire et dynamiser l’aventure, constamment relancée par les rebondissements et chaque nouveau coup de dés. La réussite de "Jumanji" tient aussi sans doute dans son casting, impeccable dans l’ensemble. Que ce soit Robin Williams, parfait dans le rôle, Bonnie Hunt, irrésistible en femme lunatique et traumatisée par sa première partie de Jumanji, ou bien Kirsten Dunst, talentueuse dès son plus jeune âge, et Jonathan Hyde, tour à tour menaçant ou bien aimable, tout le monde y met du sien pour créer l’événement. Seul ombre au tableau peut-être, le jeu naïf du petit Bradley Pierce, un peu à la traîne face à ses pairs plus expérimentés. Sorti en salles en 1995, "Jumanji" a marqué une génération et laissa une empreinte non négligeable dans la pop-culture : une série animée, un (faux) remake décevant ("Zathura : une aventure spatiale", signé Jon Favreau), une vente record sur eBay pour le jeu de plateau original ayant servi dans le film (produit dérivé par excellence), quelques jeux vidéos sortis furtivement, et aujourd’hui une suite directe avec The Rock, Kevin Hart, Jack Black et Karen Gillan au casting. C’est sans doute justifié, "Jumanji", film incroyablement ludique réalisé par un élève appliqué de Spielberg, incarne en effet à la perfection l’héritage de l’âge d’or des années 1990. À l’heure où les films sont tournés en HD et en 3D, où les effets spéciaux sont irréprochables, ce film est tellement culte, et à la pointe de la technologie de l’époque, qu’il ne nous agresse pas les yeux même si les effets ont clairement vieilli. La musique de James Horner est complètement adaptée et associée au succès du film. Quant aux acteurs, ce film a simplement prouvé et affirmé les talents de Robin Williams, révélé Bonnie Hunt et Kirsten Dunst. Cette dernière avait 14 ans durant le tournage ! Une graine d’actrice ! Capable d’allier action, aventure, humour et comédie, ce film est très épatant. Nombre des scènes de "Jumanji" sont devenues cultes, j’en ai tellement en tête… Le concept reste génial même si depuis, il a été repris. Par ailleurs les décors, la photographie ainsi que la bande originale du film sont vraiment fantastiques. Bref, "Jumanji" est un film à voir et à revoir en famille ! Le seul regret que je puisse avoir, c'est que l'ayant découvert trop tard, ce film n'aura malheureusement pas eu le mérite d'avoir bercé mon enfance, mais si je l'avais découvert à sa sortie, nul doute que cela aurait été le cas. Bref, une comédie d'aventure familiale fantastique incontournable des années 1990, qui aura clairement marqué toute une génération de spectateurs !