Jumanji, réalisé par Joe Johnston et inspiré du livre pour enfants de Chris Van Allsburg, propose une aventure fantastique où le surnaturel se mêle au chaos domestique. Ce film de 1995, porté par un casting de qualité, balance entre des moments de génie créatif et des choix narratifs discutables. Le résultat est un divertissement à la fois mémorable et frustrant, qui brille davantage par son ambition visuelle que par sa profondeur narrative.
Robin Williams livre une performance attachante en Alan Parrish, un homme marqué par 26 ans d’isolement dans un monde de jungle mystique. Williams mélange habilement humour et gravité, mais son personnage reste sous-développé, enfermé dans une série de situations rocambolesques qui ne permettent pas d’explorer pleinement ses traumatismes ou sa psychologie. À ses côtés, Bonnie Hunt incarne Sarah Whittle avec une énergie nerveuse et des moments de vulnérabilité convaincants, bien qu’elle soit parfois reléguée au second plan par la dynamique effrénée du scénario.
Les enfants, interprétés par Kirsten Dunst (Judy) et Bradley Pierce (Peter), offrent une prestation honnête, mais leur écriture manque de subtilité. Leurs réactions face aux catastrophes libérées par le jeu sont crédibles, mais ils peinent à dépasser les archétypes du "jeune héros courageux" et du "petit frère espiègle". Jonathan Hyde, dans le double rôle du père autoritaire d’Alan et de l’antagoniste Van Pelt, apporte un charisme indéniable. Le parallèle entre ces deux figures offre une allégorie intéressante sur les peurs enfantines et les attentes parentales, bien qu’elle reste sous-exploitée.
Sur le plan visuel, Jumanji est une prouesse technique pour son époque. Les effets spéciaux, une combinaison d’animatronique et de CGI, offrent des séquences spectaculaires, notamment la célèbre scène de la bousculade animale dans la ville. Cependant, certains visuels, comme les singes numériques, trahissent les limites technologiques de l’époque et peuvent paraître datés. L’attention aux détails dans les décors, notamment la transformation progressive de la maison Parrish en une jungle désordonnée, est remarquable et contribue à l’immersion.
La réalisation de Joe Johnston excelle dans les scènes d’action, mais peine à maintenir un équilibre entre le chaos et les moments plus intimes. Les transitions entre les séquences frénétiques et les moments d’accalmie manquent souvent de fluidité, ce qui crée un rythme inégal. Par ailleurs, le film semble parfois hésiter entre le ton léger d’un divertissement familial et une ambiance plus sombre, notamment dans les scènes impliquant le jeu de société lui-même, qui dégage une aura sinistre.
Le scénario, signé Jonathan Hensleigh, Greg Taylor et Jim Strain, repose sur une idée de départ fascinante : un jeu de société capable de transformer la réalité en un champ de bataille fantastique. Malheureusement, cette idée brillante n’est pas toujours exploitée de manière cohérente. Chaque tour du jeu libère une nouvelle menace, mais ces péripéties semblent déconnectées les unes des autres, donnant l’impression que le film est davantage une série de vignettes spectaculaires qu’un récit unifié. De plus, les règles du jeu restent floues, ce qui affaiblit l’immersion et réduit la tension dramatique.
Malgré ses failles, Jumanji parvient à capter quelque chose de l'esprit de l'enfance : un mélange de fascination, de peur et d'excitation face à l'inconnu. Les thèmes de la responsabilité, du courage et de la réconciliation familiale sont présents en filigrane, bien qu’ils soient parfois éclipsés par l’action incessante. La bande originale de James Horner accompagne efficacement ces moments, ajoutant une dimension émotionnelle qui élève certaines scènes au-delà de leurs défauts structurels.
En conclusion, Jumanji est un film ambitieux qui séduit par ses visuels et son concept original, mais qui trébuche sur des choix narratifs inégaux et une exécution parfois maladroite. Si l’aventure qu’il propose est suffisamment divertissante pour captiver les spectateurs, elle manque de profondeur et de cohésion pour véritablement marquer les esprits. C’est un film qui, malgré ses défauts, reste un jalon nostalgique pour toute une génération, mais qui ne parvient pas à exploiter pleinement son potentiel.