Adam Elliot est un réalisateur de cinéma d’animation australien, qui aurait déjà glané à son actif plus de cent récompenses pour son travail, qualifié tantôt d’émouvant, tantôt de poétique, tantôt d’affranchi. Une œuvre en particulier – son unique long-métrage – a retenu l’attention (dont la mienne) des critiques et des spectateurs, bien souvent néophytes dans le domaine. C’est cette œuvre, du nom de Mary et Max, que je vais tâcher de vous faire découvrir aujourd’hui, en espérant vous donner envie de vous immerger dans l’univers fou d’Adam Elliot…
Je l’annonce d’emblée : ce film est un immense coup de cœur. Il est pour moi impossible de qualifier une création de « chef d’œuvre », mais Mary et Max pourrait s’approcher de ce qualificatif, car il s’agit de l’un de ces films percutant et captivant, réalisé avec maestria, et qui vous restera en mémoire des années durant.
Tout commence quand la petite australienne Mary, âgée de 8 ans, décide d’envoyer une lettre à un certain Max Horovitz, un nom fort amusant qu’elle a trouvé dans un annuaire d’adresses américaines. Une question la taraude : d’où viennent les bébés ? Et en Amérique, se pourrait-il qu’ils viennent des cannettes de cola ?
Cette lettre sera la première d’une longue série, et le fil conducteur de tout le film. Chaque écrit, composé de questions et de réponses rédigées par chacun d’eux, est en effet l’occasion pour nous de découvrir la vie et la personnalité des protagonistes. Ainsi, on comprend vite que Mary est une jeune fille introvertie et rêveuse, qui n’a pas d’amis et qui vit dans la solitude, mais qui dépasse cet état par une imagination débordante. Max est lui aussi un grand solitaire, qui tente tant bien que mal de trouver un sens à la vie, mais qui se retrouve inexorablement enfermé dans une existence morose et banale, luttant avec lui-même pour s’intégrer à une société qui ne semble pas le désirer. A force d’échanges épistolaires, les deux personnages, qui étaient sensiblement faits pour se rencontrer, vont tisser une une amitié certaine, non sans rebondissements qui feront évoluer l’un après l’autre leur évolution. Le réalisateur livre deux protagonistes diablement attachant, à la fois drôle et tragique, souvent renvoyés au statut médiocre de leur vie.
Le film explore des thèmes aussi fort que sujet à la réflexion. La solitude, comme évoqué au-dessus, en est un. Mais Adam Elliot parle aussi de la maladie (lui-même qui souffre de tremblement physiologique) : Max est atteint du syndrome d’Asperger, un handicap social avec lequel il n’a jamais su comment agir. Plus généralement, c’est le regard de l’autre, de la société qui est au cœur de l’intrigue. Que faire quand nous n’appartenons pas aux normes ? Doit-on s’y adapter pour mener une la vie dont on rêve ? Est-ce qu’être « différent » est une qualité ? De même, il semble facile de tomber dans l’alcoolisme ou la dépression quand on ne sent pas accepté par les autres, ou que rien ne souhaite aller dans notre sens…
Avec de telles thématiques, il est normal de ne pas s’attendre à une action joyeuse. Et pourtant, le film est drôle. Le réalisateur utilise un ton acerbe, emprunt d’humour noir, mais aussi d’espoir. Derrières les nombreuses déboires de Mary et Max, il existe toujours de la positivité à ressortir, et cette-dernière passe très souvent par le rire. Parfois un rire gêné. Un rire dérangé. Mais un exutoire qui permet d’apprécier à leur juste mesure les sujets traités par l’intrigue.
En harmonie parfaite avec le ton décalé de l’œuvre, il y a la qualité de l’animation. La noirceur, l’obscurantisme de l’image est frappante. Mais cet effet reflète les angoisses, les désespoirs des protagonistes. Pour une fois, le choix de réaliser un film presque entièrement en noir et blanc (même si de nombreuses touches éparses de couleur sont aussi à noter sur de nombreux plans) est pleinement justifié. Ce n’est pas un style qu’a voulu donner Adam Elliot à son film : c’est une partie intégrante de son projet. De même, l’aspect « pâte à modeler » des personnages et du décor apporte un cachet graphique supplémentaire à Mary et Max, témoignage de l’imaginaire débordant qui l’habite.
Enfin, j’ai beaucoup parlé des deux héros de notre fable, mais il existe une pléthore de personnages secondaires, eux aussi souvent porteur d’un message. Les plus amusants restent la mère de Mary, à la fois pitoyable et effrayante, qui ne jure que par son cherry, et qui « emprunte » secrètement très souvent aux magasins et la vieille voisine de palier de Max, totalement barge, mais un vrai rayon de Soleil dans la vie de Max, au contraire de son psychologue, qui ne semble pas porter grande attention à son patient…
Toutefois, il en existe encore bien d’autres, et je préfère vous laisser la surprise de les découvrir.
Il reste peut-être un point que je n’ai pas évoqué, c’est la bande-son. Simplement car je l’ai trouvé discrète, minimaliste, mais toujours usée à bon escient (une scène où l’on peut entendre en fond sonore Que sera sera me vient tout de suite à l’esprit), de façon intelligente. L’intelligence. C’est ce qui se dégage de Mary et Max. Tout comme la magie, le cynisme, et tout de même l’espoir. Puis une envie démente de serrer entre les bras vos proches, et de profiter de la vie comme elle vient.