Monaco. Le temps du grand prix de Formule 1, au mois de mai 1971.
Ce documentaire, filmé par Roman Polanski raconte l'histoire d'une amitié, entre deux copains de la même génération, l'un risquant sa vie et l'autre filmant celle de ses contemporains.
Sans rien dévoiler du film, l'ambiance seventies et glamour qui caractérise l'univers de la formule 1 est plantée comme fil conducteur dès le début: Jackie Stewart, as du volant de l'époque au look de marin pêcheur, se rend à pied vers les stands, accompagné de son incendiaire compagne, Helen, sous les vivats d'une foule de fans de ces héros domptant leurs furieux bolides...
Le grand prix de Monaco m'a toujours fait un effet particulier sans que je sache vraiment pourquoi. C'est une course esthétique, sonore, architecturale où les tours et les immeubles posés en désordre dans la minuscule principauté font résonner les hurlements des voitures de course pendant une heure trente. Je l'ai découvert, enfant, à la télévision, quand les regrettés José Rosinski et Bernard Giroux y allaient de leurs commentaires imagés; j'y ai connu mes héros d'adolescence, qui ne furent ni Cure, ni les Pixies, ni Telephone mais Prost, Pironi, Laffite, Lauda, Rosberg, Patrese et tous leurs copains.
Voir cette ville, frontière de la French Rivieira, berceau de la séduction, repaire de têtes couronnées se transformer pour un week-end en champ de bataille mécanique où des chevaliers cagoulés et casqués allaient s'affronter sur ce ring sinueux et vallonné dans un vacarme assourdissant, me fascinait purement et simplement.
"Weekend of a champion" nous offre donc l'occasion de suivre au plus près Jackie Stewart de sa chambre d'hôtel au baquet de sa monoplace, avec comme guide son pote Polanski, fin observateur et plein d'amicales attentions.
On découvre un homme à la fois fantaisiste et professionnel, cherchant la concentration, évoquant avec François Cevert ses secrets mécaniques; on remarque que le tracé du circuit était plus simpliste, plus rapide aussi. On tremble à l'idée de voir à quel point la sécurité était aléatoire, les passants pouvant se balader sur les trottoirs pendant que les concurrents les frôlaient à toute blinde au centimètre près.
Malgré son expérience, l'angoisse des essais du samedi tenaille Stewart, la pluie battante ne le rassurant évidemment pas. Puis la course commence. La longue montée suivant la ligne de départ offre une image saisissante, celle de cette horde de métal, fonçant vers le casino, dangeureusement groupée, avec le même dessein: gagner pour approcher la grâce, celle du Prince Rainier.
Petit passage touchant de ce documentaire, la rencontre hasardeuse de Stewart et de Fangio, pendant les essais où l'on s'aperçoit que les deux hommes s'intimident mutuellement et où l'argentin retraité n'a pas oublié d'être à la pointe de l'élégance vestimentaire.
Avec le recul, Jackie Stewart se retourne vers ces années de gloire, en expliquant à son cinéaste de copain qu'aujourd'hui, on ne se tuait plus en Formule 1 et qu'il avait perdu nombre de ses copains et collègues quand la modernité et une certaine forme de raison ne s'étaient pas encore mêlé de tout ça. Sa formule, teintée d'un éclat de rire complice, est parlante: " Avant la F1 était dangeureuse et le sexe ne l'était pas, aujourd'hui, c'est le contraire".
J'aurais adoré être pilote de course, même avec les risques que ce jeu comporte et je me laisse même dire, pour une fois, que je crois que je n'aurais pas été mauvais...