En dépit d’un casting de stars (Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Kevin Costner), on est atterrés par la platitude de la mise en scène et l’indigence du scénario. Faute de retrouver un job digne de son rang, un des trois licenciés est employé par son beau-frère à la rénovation d’une maison. On voit bien là la double métaphore criante et sans finesse de la valorisation des travailleurs manuels (versus les cols blancs sans résistance) et de la construction (celle palpable d’un vaste chantier et celle psychologique de l’individu), le tout sous les puissantes déclarations du beauf, réactionnaire et vaguement nationaliste. A peine passé le suicide du plus âgé (à soixante ans, l’heure de la retraite paraît encore bien loin aux Etats-Unis), puisqu’il faut bien LA scène pleine d’émotions, le happy end se profile et avec lui le retour en force de la glorification de l’entreprise, comme si aucun enseignement n’avait pu être tiré des épreuves passées et endurées. Assurément, The Company Men est un film de droite, prônant sans gêne ni vergogne, les sempiternels fondamentaux d’une civilisation pourtant à bout de souffle depuis quelques décennies. Les quelques informations distillées sur la très brève durée d’indemnisation des chômeurs, la rapacité des créanciers (la société vit largement à crédit) et la veulerie à peine dissimulée des agences de placement devraient néanmoins ébranler dans leurs convictions idiotes les laudateurs du modèle américain, dont on aurait vraiment aimé que le film nous montre les ravages, au-delà d’une banale et inintéressante caricature.
Sans aucune personnalité, exposant des idées pour le moins suspectes sur les moyens de s’en sortir, The Company Men se résume à un divertissement trop long qui du coup anéantit, voire ridiculise, le sujet qu’il est censé traiter. Surfant sur la vague de la nostalgie (époque où l’industrie, figurée ici par les chantiers navals en déshérence, était encore florissante et permettait à des tas d’américains de s’enrichir et même de s’acheter une deuxième voiture), le film qui se voudrait une critique sociale n’a jamais les moyens d’une telle ambition, préférant très vite se limiter à la description de la dégringolade (encore que…) de ces trois cadres, sans même tirer parti de leur différence d’âge, de statut et de parcours.
Après l’inepte opus de Cédric Klapisch (Ma Part du gâteau), la tentative de John Wells à mettre en scène les conséquences et les dégâts de la crise fait à son tour chou blanc. Scénaristes à vos plumes, ça urge…