Voilà un petit film sorti uniquement en dvd qui en vaut au moins trois sortis en salle. Au début (et si on ne lit pas le synopsis), on se retrouve un peu perdus au cœur de cette famille Jones qui paraît quand même bien étranges dans leurs comportements. Après quelques égarements pour le spectateur, celui-ci commence à comprendre que toute cette vie est bien artificielle et que la famille normale est en fait une famille modèle. Les membres sont des vendeurs qui vivent dans le double jeu continuel entre vie professionnelle et vie privée. Malheureusement et on s’en doute, la place pour la vie privée est étroite et le métier exercé, difficile. Entre acteurs faisant semblant et vendeurs dynamiques et professionnels, l’adaptation quasi automatique est simple pour tout le monde (surtout pour Kate dont c’est la 6e fois) sauf pour Steve qui débarque seulement de son job de vendeur automobile. David Duchovny dans le rôle déploie tout son charisme de cinquantenaire mais semble également avoir atteint une certaine sagesse exemplaire. Quant à Demi Moore, on la voit rayonnante en chef d’équipe dominante mais ouverte avec beaucoup de déceptions marquées et implicites. Amber Heard, une des nouvelles coqueluches du cinéma hollywoodien, joue moyennement mais avec quelques moments de fulgurances dans des contextes bien communs (la scène de rupture est terrible de dramaturgie). Ben Hollingsworth n’émeut pas, dommage mais il faut dire qu’à côté d’une telle équipe il est difficile de tenir la cadence. Toute cette troupe est rejointe par quelques seconds rôles qui font le minimum syndical cependant, Lauren Hutton -la boss de Gere dans ‘American Gigolo’- est directe et froide, elle mène l’agence avec une main de fer à tel point qu’on aurait même pu la voir en Iron Lady à la place de Meryl Streep. Il convient de dire que la prestation (surtout finale) de Gary Cole est assez bluffante tant la descente aux enfers est une arme tueuse pour lui… On ne s’y attend point. Les décors ne sont pas montrés de manière succincte et c’est tant mieux. Ici, comme l’apparence importe plus que tout, faire des plans larges sur le lotissement (tellement sécuritaire qu’il pourrait devenir oppressant pour certains), la maison (immense… et c’est peu dire), les voitures (jolie pub pour Audi d’ailleurs), l’équipement à la pointe… Petite réserve à émettre immédiatement sur le dénouement où le sort des deux enfants est un peu mis de côté à l’inverse de celui du couple. Sans pour autant tomber dans le jeu du ‘tout publicité’, le film pose les bonnes questions et la première d’entre elles est la quête d’identité. Certains verront un pur placement produit et ils auront raison, cependant la manière dont celui-ci est montré s’avère extrêmement astucieuse (un métier vivant consacré à la vente). D’autres réprimanderont la qualité du scénario pour son hyperbolisme flagrant mais il faut dire que la vision moderne du marketing doit actuellement se rapprocher de cette situation. Parmi les thèmes posés, d’évidents questionnements sur la crise financière de 2008 avec la spirale de l’endettement, des critiques sur la société américaine de consommation, la difficulté traditionnelle d’équilibrer vies privée et professionnelle. Comment l’acquisition de biens peut toucher ses proches ? Quelles sont les conséquences de la culture du chiffre ? Quelles sont les formes de détresse sur l’identité chez les jeunes ? Et plus particulièrement, dans le cas précis de ces super-vendeurs, comment pourraient-ils former leurs vies et extérioriser leurs sentiments alors que leurs boulots les contraints grandement ? Un film dont les apparences sont trompeuses et c’est vraiment cette devise qui est mise en avant pour développer une complexité passant par l’invitation envers le spectateur de réfléchir à tous ces questionnements. Mais se faire une idée sur ces questions passe aussi par le visionnage du film en question(s), à vos dvd donc…